Les Aventures de Nigel
sous le nom emprunté de Graham, s’est conduite avec la plus grande bravoure.
– Pas de compliment, je vous prie, maître Heriot ; je suis trop heureux de voir que je n’aie pas assassiné le vieillard, et que je ne sois pas accusé de ce crime.
– Cela est vrai, milord ; mais cette affaire même a besoin d’éclaircissemens. Votre Seigneurie s’est embarquée ce matin avec une femme, et, dit-on, une somme considérable en espèces et autres objets précieux ; mais on n’a plus entendu parler de cette femme.
– Je me suis séparé d’elle au quai Saint-Paul, où elle est débarquée avec le coffre qui était sa propriété ; je lui ai donné une lettre pour John Christie lui-même.
– C’est ce que dit le batelier ; mais John Christie prétend n’avoir aucune connaissance de cette affaire.
– Je suis fâché de l’apprendre, maître Heriot. Dieu veuille qu’elle n’ait pas été volée : elle avait le trésor avec elle.
– Je crains le contraire, milord. Mais enfin on est fort étonné de cette affaire ; notre caractère national souffre de tous côtés. On rappelle la fin malheureuse de lord Sanquhar, pendu pour avoir tué un maître d’armes, et l’on s’écrie qu’on ne veut pas avoir ses femmes corrompues et ses biens volés par la noblesse d’Écosse.
– Et c’est sur moi qu’on rejette tout cela ! s’écria Nigel ; il est facile de me disculper.
– Je l’espère, milord ; et je dirai même que, quant à ce dernier point, je n’en doute pas. Mais pourquoi avez-vous quitté Whitefriars de cette manière ?
– Maître Reginald Lowestoffe m’a envoyé une barque, en me faisant dire de pourvoir à ma sûreté.
– Je suis fâché de vous dire, répondit Heriot, qu’il nie avoir connaissance d’aucun mouvement de Votre Seigneurie, depuis qu’il vous eut expédié un messager porteur de quelques effets.
– Les bateliers m’ont dit qu’ils étaient employés par lui.
– Les bateliers ! il se trouve que l’un d’eux est un vaurien d’apprenti que je connais d’ancienne date ; l’autre s’est échappé, mais le drôle qui est en prison persiste à dire qu’il était employé par Votre Seigneurie, par elle seule.
– Il ment, reprit vivement lord Glenvarloch ; il m’a dit que maître Lowestoffe l’avait envoyé. J’espère que cet excellent jeune homme n’est pas arrêté ?
– Non, répondit Heriot, et il en a été quitte pour une réprimande de la part des assesseurs, pour s’être mêlé des affaires, de Votre Seigneurie. La cour désire se maintenir en bonne intelligence avec les jeunes Templiers dans ces temps de commotion ; autrement il ne se serait pas tiré d’affaire si facilement.
– Voici les seules paroles de consolation que j’aie entendues de votre bouche, dit Nigel. Quant à cette pauvre femme, elle et sa caisse ont été confiées à la charge de deux porteurs.
– C’est ce qu’a dit le prétendu batelier ; mais aucun de ceux qui sont employés au quai ne veut en rendre témoignage. Je vois que cette idée vous inquiète, milord ; mais on fait toutes sortes d’efforts pour découvrir le lieu de refuge de cette malheureuse femme, si toutefois elle vit encore. Maintenant, milord, ma mission est remplie, au moins en ce qui regarde exclusivement Votre Seigneurie ; ce qui reste est un genre d’affaire d’une espèce plus précise.
– Procédons-y de suite, maître Heriot ; j’aimerais mieux entendre parler des affaires de tout autre que des miennes.
– Milord, vous ne pouvez avoir oublié la transaction qui fut faite, il y a quelques semaines, chez lord Huntinglen, par laquelle une forte somme d’argent fut avancée pour le rachat des biens de Votre Seigneurie.
– Je m’en souviens parfaitement, et la sévérité avec laquelle vous me traitez en ce moment ne peut me faire oublier votre obligeance en cette occasion.
Heriot s’inclina gravement, et poursuivit : – Cet argent fut avancé dans la confiance qu’il serait remboursé sur une reconnaissance faite à Votre Seigneurie, sous le seing royal, en paiement de certaines sommes dues par la couronne à votre père. Je pense que Votre Seigneurie a bien entendu, dans le temps, l’esprit de cette transaction ; j’espère que vous comprenez pareillement le compte que je vous en rends maintenant, et que vous en reconnaissez l’exactitude.
– Incontestablement ; si les sommes mentionnées dans l’acte ne peuvent être acquittées,
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