Les Aventures de Nigel
coupable, il se dit en lui-même : il faut que les choses n’en soient pas au point que je le craignais. – Ainsi cette maudite Espagnole, avec sa tête remplie, comme elles l’ont toutes, de déguisemens, de trappes, d’échelles de cordes et de masques, a été assez faible et assez sotte pour vous entraîner avec elle dans cette folle expédition ? – Et voyons la suite du voyage, je vous prie.
– Au moment où nous arrivions à la porte du parc, répondit Marguerite, un cri : À la trahison ! se fit entendre. Je ne sais ce que devint Monna : mais je me mis à courir jusqu’à ce que je tombai entre les mains d’un domestique très-honnête, appelé Linklater. Je fus obligée de lui dire que j’étais votre filleule ; de sorte qu’il me tint éloignée des autres personnes, et qu’il me fit parler à Sa Majesté comme je l’en priai.
– Voilà, dans toute cette affaire, la seule marque que vous ayez donnée que le sens commun n’avait pas entièrement abandonné votre petite cervelle, dit Heriot.
– Sa Majesté, continua Marguerite, me fit la grâce de me recevoir seule, quoique les courtisans se récriassent sur le danger auquel elle s’exposait, et voulussent me fouiller pour voir si j’avais des armes ; mais, Dieu merci, le roi le défendit. J’imagine qu’il avait été prévenu par Linklater de ce que j’étais réellement.
– Bien, jeune fille, dit Heriot, je ne demande pas ce qui s’est passé, il ne me convient pas de chercher à pénétrer les secrets de mon souverain. Si vous aviez été tête à tête avec son grand-père, le Renard rouge de Saint-André, comme David Lindsay avait coutume de l’appeler, par ma foi, j’aurais su ce que je devais en penser ; mais, notre maître ! Dieu le bénisse ! est grave et tempérant ; c’est un Salomon en tout, excepté sur le chapitre des femmes et des concubines.
– Je ne sais, monsieur, ce que vous voulez dire, répondit Marguerite. Sa Majesté fut très-bienveillante et très-bien disposée ; mais elle dit que je serais envoyée ici, et confiée à la garde de la femme du lieutenant, lady Mansel, qui veillerait à ce que je n’éprouvasse aucune insulte. Le roi promit de m’envoyer dans un bateau couvert, et sous la conduite d’une personne bien connue de vous, et voilà comme je me trouve dans la Tour.
– Mais comment, ou pourquoi êtes-vous dans cet appartement, ma nymphe ? dit Heriot : expliquez-moi cela, car je pense que l’énigme a besoin d’être devinée.
– Je ne puis donner d’autre explication, monsieur, sinon que lady Mansel m’a envoyée ici malgré mes instances, mes larmes et mes supplications. Je n’avais peur de rien, car je me sentais protégée ; mais je ne sais pas comment je ne suis pas morte de honte et de confusion ; comment je n’en meurs pas encore au moment où j’en parle.
– C’est bon, c’est bon ; si vos larmes sont sincères, dit Heriot, elles ne feront qu’effacer plus tôt le souvenir de votre faute. – Votre père sait-il quelque chose de votre escapade ?
– Je ne voudrais pas pour tout au monde qu’il le sût ; il me croit avec lady Hermione.
– Oui, l’honnête David sait mieux régler ses horloges que sa famille. Allons, mignonne, je vais vous reconduire chez lady Mansel, et la prier, au nom de l’humanité, de se charger encore de vous, et, quand elle aura une oie à garder, de ne pas la confier au renard. – Les gardes nous laisseront passer, j’espère, jusqu’à l’appartement de milady.
– Arrêtez un instant, dit lord Glenvarloch : quelque mauvaise opinion que vous ayez conçue de moi, je vous le pardonne : le temps vous prouvera que vous me jugez mal ; et vous-même, je pense, vous serez le premier à regretter l’injustice que vous me faites. Mais gardez-vous bien de concevoir aucun soupçon contre cette jeune personne, dont les anges eux-mêmes attesteraient la pureté. J’ai observé chacun de ses regards et de ses gestes, et tant que je respirerai, je penserai toujours à elle avec…
– N’y pensez pas du tout, milord, dit George Heriot en l’interrompant ; – c’est certainement la meilleure faveur que vous puissiez lui faire, ou bien, pensez à elle comme à la fille de David Ramsay, l’horloger, ce qui n’est pas un sujet propre à de belles phrases, à des aventures romanesques, ou à des complimens en vers ampoulés. – Je vous souhaite le bonjour, milord. Je ne suis pas tout-à-fait aussi dur que mes
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