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Les Aventures de Nigel

Les Aventures de Nigel

Titel: Les Aventures de Nigel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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Jacques, à qui ses idées d’économie ne causaient qu’une impression passagère et fugitive, conçut, le moment d’après, le désir de voir la pièce d’argenterie que l’orfèvre lui proposait de lui montrer. Il donna ordre à Maxwell d’aller la chercher, et en attendant il demanda à Heriot d’où elle venait.
    – D’Italie, sire, répondit le citadin.
    – Il ne s’y trouve rien qui sente le papisme, j’espère ? dit le roi d’un air plus grave que de coutume.
    – Non certainement, sire : il ne serait pas sage d’apporter en votre présence quelque chose qui aurait la marque de la bête.
    – Vous n’en seriez que plus bête vous-même de le faire. Personne n’ignore que, dans ma jeunesse j’ai combattu Dagon, et que je l’ai renversé sur le seuil même de son temple ; preuve évidente qu’avec le temps je porterais, quoique indigne, le titre de Défenseur de la Foi {28} . Mais voici Maxwell qui arrive, courbé sous son fardeau, comme l’âne d’or d’Apulée.
    Heriot se hâta de soulager l’huissier en lui enlevant la salière, qui était une pièce d’argenterie d’une dimension extraordinaire {29} , et il la plaça sous un jour favorable pour que le roi en vît les sculptures.
    – Sur mon ame, dit le roi, c’est une pièce très-curieuse, et qui semble digne d’un roi. Comme vous le dites, Geordie, le sujet est convenable à une tête couronnée, car c’est, comme je le vois, le jugement de Salomon, prince sur les pas duquel tous les monarques vivans doivent marcher avec émulation.
    – Mais sur les pas duquel, dit Maxwell, si un sujet ose parler ainsi, il n’en est qu’un seul qui ait pu jamais marcher.
    – Taisez-vous, misérable flatteur que vous êtes, dit le roi, mais avec un sourire qui prouvait que la flatterie ne lui avait pas été désagréable ; regardez ce chef-d’œuvre, et ne donnez pas l’essor à votre langue. Et qui a fait ce bel ouvrage, Geordie ?
    – Sire, il est sorti des mains du fameux Florentin Benvenuto Cellini ; et il avait été fait pour François I er , roi de France ; mais j’espère qu’il trouvera un plus digne maître.
    – François de France ! Envoyer Salomon, roi des Juifs, à François, roi de France ! Sur mon ame, il y aurait eu de quoi déclarer Cellini fou, quand il n’aurait jamais donné d’autres preuves de folie. François ! c’était un extravagant qui ne songeait qu’à se battre. – Pas autre chose. – Il se fit faire prisonnier à Pavie, comme notre David d’Écosse à Durham. Si l’on avait pu lui envoyer la sagesse de Salomon, on lui aurait rendu un plus grand service. Mais Salomon doit être dans une autre compagnie que celle de François de France.
    – J’espère que Salomon aura ce bonheur, dit Heriot.
    – La sculpture est curieuse et fort bien exécutée, continua le roi, mais il me semble que l’exécuteur brandit son sabre trop près du roi, car il pourrait le toucher. Il ne fallait pas toute la sagesse de Salomon pour lui apprendre qu’une lame bien affilée est toujours dangereuse, et il aurait dû ordonner à ce gaillard de rengainer son sabre ou de se tenir plus loin.
    Georges Heriot chercha à répondre à cette critique en assurant le roi que l’exécuteur était en réalité plus loin de Salomon qu’il ne le paraissait, et qu’il fallait avoir égard aux lois de la perspective.
    – Allez-vous-en au diable avec votre perspective, s’écria Jacques. Il ne peut y avoir de perspective plus désagréable pour un roi légitime qui désire vivre en paix et mourir tranquillement et honorablement, que celle d’un sabre hors du fourreau devant ses yeux. Je suis aussi brave qu’un autre, on le sait ; hé bien ! je déclare que je ne puis jamais regarder une lame nue sans cligner les yeux. Mais, en somme, c’est un beau morceau. – Et quel en est le prix ?
    L’orfèvre commença par faire observer que cette salière n’était pas à lui, et qu’elle appartenait à un de ses compatriotes dans la détresse.
    – Ce que vous dites pour avoir un prétexte d’en demander le double de sa valeur, dit le roi ; je connais tous les tours des marchands de la Cité.
    – Je ne puis espérer, dit Heriot, d’en imposer à la sagacité de Votre Majesté. Je ne vous ai dit que la vérité, et le prix de ce chef-d’œuvre est de cent cinquante livres sterling, s’il plaît à Votre Majesté de le payer comptant.
    – Cent cinquante livres ! s’écria le monarque d’un ton

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