Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions
pas
abandonnés.
Là-bas, il a disparu où jamais il n’était parti parce qu’il a fait le
monde.
Il était de ce monde et il est venu dans ce monde pour libérer les coupables.
C’est à lui que mon âme fait ses aveux.
Il la guérit car elle lui a fait du tort.
Fils d’hommes jusqu’à quand le cœur lourd ?
Quoi ? après la descente de la vie vous ne voulez pas monter et vivre ?
Mais où pourriez-vous monter ? Vous êtes si haut et vous avez posé
votre tête dans le ciel !
Descendez pour monter à Dieu.
Vous êtes tombées en vous élevant contre Dieu.
Dis-leur ça et que les âmes pleurent dans la vallée des pleurs.
Emporte-les avec toi jusqu’à Dieu. Tu parles avec son Souffle si tu
leur parles en brûlant du feu de l’amour.
20.
Mais je ne savais rien de tout ça. J’aimais les beautés inférieures.
Je sombrais et je disais à mes amis : qu’aimons-nous à part le beau ?
et qu’est-ce que le beau ? qu’est-ce que la beauté ? qu’est-ce qui nous
attire et nous unit aux choses que nous aimons ? En réalité, s’il n’y avait
ni son éclat ni son apparence, nous ne serions jamais émus par la
beauté.
Je réfléchissais à tout ça, et je voyais que concernant les corps eux-mêmes, le corps qui forme en quelque sorte un tout, et qui pour cette
raison est beau, est différent de celui qui s’accorde à un autre parce
qu’il est cohérent et complémentaire, comme une partie du corps avec
son ensemble, la chaussure avec le pied, et d’autres choses du même
genre. Cette observation fit irruption dans mon esprit, du plus profond
de mon cœur. Et c’est alors, je pense, que j’ai écrit les deux ou trois
livres du traité « Du beau et de la cohérence ». Tu le sais, Dieu, moi cela
m’a échappé. Nous ne possédons plus ces livres, ils se sont perdus je ne
sais comment 1 .
21.
Mais quelle est la raison qui m’a poussé, Seigneur mon Dieu, à écrire
ces livres pour Hierius, un orateur de la ville de Rome ?
Je ne l’avais jamais vu mais j’avais aimé l’homme sur sa réputation
brillante, et sur quelques paroles que j’avais entendues de lui, et qui
m’avaient plu. Mais surtout parce qu’il plaisait à d’autres. On le portait
aux nues, stupéfait qu’un Syrien, formé d’abord à l’éloquence grecque,
ait pu se révéler par la suite un admirable orateur en latin, et un philosophe très érudit – il ne m’en plaisait que davantage.
Quelqu’un dit son admiration pour un homme et on se met à aimer
cet homme alors qu’il n’est pas là. Est-ce que cet amour passe de la
bouche de l’admirateur à notre cœur qui l’écoute ? Pas du tout. Mais
l’amour de l’un enflamme l’autre. On aime celui qu’un autre admire sion croit à la sincérité de l’admirateur, c’est-à-dire si cette admiration est
un amour sincère.
22.
Oui, j’aimais ainsi des hommes d’après l’opinion d’autres hommes, et
non d’après la tienne, mon Dieu, qui n’abuse personne. Pourtant, dans
ce cas, il ne s’agissait pas d’un célèbre aurige ni d’un chasseur de cirque
adulé par le peuple, c’était bien différent et plus sérieux, comme
j’aurais voulu être admiré moi-même. Je n’aurais pas voulu en effet être
admiré et aimé comme ces histrions de service que j’admirais et aimais
pourtant moi-même. Je préférais rester dans l’ombre plutôt que
connaître ce genre de notoriété, et je préférais même être haï plutôt que
d’être aimé comme ça.
Oh. Mais où sont réparties dans une même âme toutes ces différentes
quantités d’amours contradictoires ?
Et comment se fait-il que j’aime chez un autre ce que je repousserais
horrifié loin de moi, avec haine ? Nous sommes pourtant des êtres
humains lui et moi. Un homme peut aimer un bon cheval, sans vouloir
pour autant devenir lui-même un cheval (à supposer que ce soit en son
pouvoir). On ne peut pas en dire autant de ces histrions de service,
ce sont nos compagnons naturels ! J’aimerais donc dans un être humain
ce qui me serait odieux d’être, bien que je sois moi-même un être
humain ?
Oh. L’être humain est pour lui-même un gouffre profond. Même de
ses cheveux, toi Seigneur, tu tiens le compte, qui ne diminue pas avec
toi. Pourtant ses cheveux sont plus faciles à compter que les sentiments
et les émotions de son cœur.
23.
Mais ce rhéteur appartenait à un genre d’hommes que j’aimais au
point de vouloir leur ressembler. J’errais dans
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