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Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions

Titel: Les Aveux: Nouvelle Traduction Des Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Boyer
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d’étonnants travaux.
    Le temps venait et passait de jour en jour. Il venait et passait et greffait
en moi d’autres espoirs, d’autres souvenirs. Peu à peu, il me rapiéçait auxplaisirs d’autrefois qui chassaient de moi cette douleur. Et lui ont succédé
non pas d’autres douleurs, mais les causes d’autres douleurs.
    Et pourquoi cette douleur avait-elle pénétré si facilement jusqu’au
fond de moi sinon parce que j’avais dispersé mon âme dans du sable, en
aimant un être mortel comme s’il ne devait jamais mourir ?
    Oui, mais j’ai fini par retrouver force et vie, apaisé par d’autres amis
avec qui j’aimais autre chose que toi. Une énorme fable, un grand mensonge dont la caresse adultère contaminait notre cerveau et démangeait
nos oreilles. Mais pour moi, cette fable au moins ne mourait pas si un
de mes amis mourait.
    Autre chose encore dans ces amitiés captivait mon cœur : parler, rire
ensemble, les complaisances mutuelles, la lecture commune de livres
faciles, plaisanter ensemble, et ensemble redevenir sérieux, être quelquefois en désaccord mais sans agressivité, comme on l’est avec soi-même, et d’un rare désaccord lui-même accommoder l’accord habituel,
apprendre aux autres ou apprendre des autres, déplorer les absents
avec chagrin, accueillir les nouveaux avec joie, ces signes et d’autres
qu’expriment les amants entre eux par le visage, la langue, les yeux, par
mille gestes absolument désintéressés, combustible de la fusion des
âmes qui de plusieurs n’en fait qu’une.
    14.
    Voilà ce que nous aimons tant entre amis. On a mauvaise conscience
au point que la conscience humaine s’accuse de ne pas aimer un amant
ou de ne pas être l’amant de qui nous aime, et de ne réclamer au corps
de l’autre que des preuves de ses faveurs.
    D’où ce deuil si l’un meurt, ténèbres de la douleur, et ce cœur imprégné d’une douceur virant à l’amertume, et la vie perdue des morts qui
devient la mort des vivants.
    Heureux celui qui t’aime, il n’a d’ami qu’avec toi, et d’ennemi qu’à
cause de toi. Le seul en effet à ne perdre aucun être aimé est celui qui
aime tout le monde avec celui qu’on ne perd pas.
    Qui est-ce sinon notre Dieu, Dieu qui a fait le ciel et la terre et qui
les remplit ? Parce qu’en les remplissant il les a faits. Personne ne teperd sinon celui qui t’abandonne. Et en t’abandonnant, où est-il ? où
fuit-il sinon loin de ton flegme et vers ta colère ?
    Oui, où ne pourrait-il pas reconnaître ta loi dans son châtiment ?
    et ta loi c’est ta vérité
     ta vérité c’est toi
    15.
    Dieu des forces retourne-nous
     montre ton visage
     nous serons sauvés
    Oui, quelle que soit la direction où se tourne l’âme humaine, si ce
n’est vers toi, elle se fixe à la douleur, en dehors de toi, en dehors de soi,
même en se fixant aux beautés du monde (alors qu’aucune d’entre elles
n’existerait sans venir de toi).
    Les beautés naissent et se tuent. À leur naissance, les beautés
commencent pour ainsi dire à être, grandissent vers leur perfection et,
devenues parfaites, vieillissent et meurent. Non, toutes les beautés
ne vieillissent pas mais toutes meurent. Qu’elles naissent et qu’elles
s’efforcent à être, plus vite elles grandissent pour être, plus elles se précipitent dans leur néant. C’est leur nature. C’est ce que tu as voulu pour
elles qui ne sont que des parcelles de choses qui n’existent pas toutes en
même temps mais qui, disparaissant et se succédant, réalisent ensemble
l’univers dont elles sont les éléments. De même, notre langue s’énonce
par des signes sonores. Et la langue ne serait pas un tout si chaque mot
ne disparaissait pas une fois ses syllabes prononcées pour qu’un autre
mot lui succède.
    Mon âme te loue pour ces beautés, Dieu créateur de tout. Mais elle
ne doit pas se fixer à elles, ni se laisser engluer dans l’amour par les sentiments.
    Ces beautés vont même jusqu’à ne plus être pour écarteler l’âme de
désirs puants, puisque l’âme elle-même veut être et aime se reposer en
elles. Or les beautés ne s’arrêtent jamais nulle part, elles fuient. Mais quipeut les suivre par ses seules facultés physiques ? Ou qui peut s’en
emparer même quand elles paraissent disponibles ? Les facultés physiques sont bornées, n’étant que des facultés physiques. C’est leur
nature même. Elles suffisent à autre chose, à ce pour quoi elles

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