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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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un intellectuel, donc, selon la légende, un
garçon pas particulièrement solide. Il faut bien que les faibles puissent s’identifier
au grand bandit. Comme l’écrit le poète Zabele
    « Là où vit Lampiao
    Les vers de terre deviennent braves
    Le singe livre bataille au jaguar
    Le mouton ne se laisse pas faire. »
    Son oncle, Manœl Lopes, voulait qu’il devienne médecin, ce
qui faisait sourire les gens, car :
    « On n’a jamais vu de docteur
    Dans cet immense
sertao
    On n’y trouve que des vachers
    Des bandes de
cangaçeiros
    Ou des chanteurs de ballades. »
    De toute façon, le jeune Virgulino ne voulait pas devenir
médecin, mais
vaqueiro
, bien
qu’en trois mois d’école il eût appris l’alphabet ainsi que l’« algorithme
romain », et fût expert en poésie. Il avait dix-sept ans quand les
Ferreira, accusés à tort de vol, furent chassés de leur ferme par les Nogueira.
Ainsi débuta la vendetta qui devait faire de lui un hors-la-loi. « Virgulino,
lui dit-on, fais confiance à la justice divine. » Il répondit :
« L’Évangile commande d’honorer père et mère, et si je ne défendais pas
notre nom, je ne serais plus un homme. » Donc :
    « Il acheta un fusil et un poignard
    Dans la ville de Sao Francisco. »
    Et, avec ses frères et vingt-sept autres combattants (connus
du poète et de leurs voisins sous des surnoms traditionnellement donnés à ceux
qui embrassaient la carrière de bandit), il forma une bande pour attaquer les
Nogueira dans la Sierra Vermelha. Le passage de la vendetta à l’état de
hors-la-loi était logique, et même nécessaire vu la supériorité des Nogueira. Lampiao
se mit à courir la campagne et devint un bandit encore plus célèbre qu’Antonio
Silvino, dont la capture en 1914 avait laissé un vide dans les rangs des héros
de l’intérieur.
    « Il n’épargnait
    Ni soldat ni civil
    Il chérissait son poignard
    Son fusil faisait toujours mouche.
    Des riches il faisait des mendiants
    Les braves tombaient à ses pieds
    Des hommes quittaient le pays. »
    Mais pendant toutes ces années (en fait de 1920 à 1938) où
il fit régner la terreur dans le Nordeste, il ne cessa, dit le poète, de
pleurer le sort qui avait fait de lui un brigand au lieu d’un honnête
travailleur, et lui réservait une mort certaine, qu’il ne jugeait acceptable
que s’il avait la chance de périr dans un combat loyal.
    Il fut et reste un héros populaire, mais aussi un héros
ambigu. Le poète fait état de la « joie dans le Nord » à la mort du
grand bandit, mais il se peut que ce coup de chapeau à la morale officielle
soit dicté par une prudence bien naturelle. (Les ballades ne présentent pas
toutes cette version, loin de là.) La réaction d’un habitant de l’intérieur, dans
la commune de Mosquito, est sans doute plus typique. Quand les soldats
arrivèrent avec les bidons de kérosène dans lesquels ils avaient placé les
têtes de leurs victimes pour convaincre tout le monde que Lampiao était
vraiment mort, cet homme déclara : « Ils ont tué le Capitaine parce
qu’il ne sert à rien de prier dans l’eau [81] . »
En effet le dernier refuge de Lampiao avait été le lit desséché d’un cours d’eau,
et comment expliquer sa chute autrement que par l’échec de sa magie ? Reste
que, si c’était un héros, ce n’était pas un
bon
héros.
    Certes il s’était rendu en pèlerinage auprès du père Cicero,
le célèbre messie de Juazeiro, pour lui demander sa bénédiction avant de
devenir bandit, et le saint, après l’avoir vainement exhorté à abandonner la
vie de hors-la-loi, lui avait donné un document qui faisait de lui un capitaine
et de ses deux frères des lieutenants [82] .
Mais, dans la ballade d’où j’ai tiré la plus grande partie de ce récit, rien n’indique
qu’il ait redressé des torts (sauf les torts faits à sa bande), qu’il ait pris
aux riches pour donner aux pauvres, et qu’il ait rétabli la justice. Cette
ballade raconte des batailles, des blessures, des raids dans des villes (ou ce
que l’on considérait comme des villes dans l’intérieur du Brésil), des hold-up
dirigés contre des riches, des aventures avec les soldats et avec des femmes, des
histoires de faim et de soif, mais rien qui évoque Robin des Bois. Au contraire,
elle relate des « horreurs » : comment Lampiao tua un prisonnier
bien que sa femme eût payé la rançon, comment il massacra des travailleurs et
tortura une vieille femme qui

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