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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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aidait les Bulgares pauvres et distribuait de l’argent. En
Bulgarie, comme le remarquent avec leur sympathie habituelle pour l’héroïsme
islamique les auteurs anglais du livre
A
Résidence in Bulgaria
(1869), les « brigands au grand cœur »
du type classique étaient les
chelibi
,
des Turcs « bien nés » pour la plupart, et qui se distinguaient des
brigands ordinaires ou
khersis
,
considérés d’un œil favorable dans leurs villages, ainsi que des
haïdoucs
, qui eux, recourant
fréquemment au meurtre et cruels de nature, ne disposaient d’autre soutien que
celui de leur propre bande. Il y a peut-être là une certaine exagération, mais
il est certain que les
haïdoucs
n’étaient pas des Robin des Bois et que tous ceux qui tombaient entre leurs
mains devenaient leurs victimes. Les ballades sont pleines de variations sur le
thème suivant :
    « Nous avons fait pleurer bien des mères.
    Nous avons fait de nombreuses veuves.
    Et encore plus d’orphelins,
    Car nous-mêmes n’avons pas d’enfants. »
    La cruauté des
haïdoucs
est un sujet bien connu. Ils étaient incontestablement coupés de la paysannerie
de façon bien plus permanente que le bandit social classique ; ils n’avaient
non seulement pas de maître mais – tout au moins pendant leur carrière de
bandit – pas de famille (« aucun n’a de mère ni de sœur ») et leurs
rapports avec la paysannerie étaient moins ceux du poisson dans l’eau – pour
reprendre la célèbre formule de Mao – que des rapports de soldats qui, la
moitié du temps, sont absents de leur village. Beaucoup d’entre eux étaient de
toute façon des bergers et des conducteurs de troupeaux, c’est-à-dire des
semi-nomades, dont les liens avec les villages sont intermittents ou minces. Les
clephtes
grecs (et peut-être
aussi les
haïdoucs
slaves) parlaient
– c’est significatif – un argot particulier.
    La distinction entre brigand et héros, entre ce que le
paysan acceptait comme étant « bien » et ce qu’il condamnait comme
étant « mauvais », était donc extrêmement difficile à établir, et les
chansons consacrées aux
haïdoucs
mettent autant l’accent sur leurs péchés que sur leurs vertus, tout comme en
Chine le célèbre
Au bord de l’eau
insiste sur l’inhumanité des bandits (dont la barbarie apparaît dans les
anecdotes relatées par certains des membres de cette grande et hétéroclite
compagnie de hors-la-loi héroïques [91] ).
En fait, la définition du héros
haïdouc
est fondamentalement politique. Dans les Balkans, c’était un bandit « national »,
c’est-à-dire, selon des règles traditionnelles, quelqu’un qui s’opposait aux
Turcs pour défendre ou venger les chrétiens. Dans la mesure où il combattait l’oppresseur,
son image était positive, même si la noirceur de ses péchés l’amenait en
définitive à se faire moine pour finir sa vie dans le repentir, ou entraînait
comme châtiment neuf ans de maladie. À la différence du « brigand au grand
cœur », le
haïdouc
ne
dépend pas de l’approbation morale des individus, et, contrairement au « vengeur »,
la cruauté n’est pas sa caractéristique essentielle : on la tolère en
raison des services qu’il rend au peuple.
    Si cette collection d’individus socialement en marge, qui
choisissaient moins la liberté opposée à l’esclavage que le brigandage pour
échapper à la pauvreté, constituait néanmoins un mouvement quasi politique, c’était
en raison d’une puissante tradition, qui reconnaissait sa fonction sociale et
sa nature collective. Ils gagnaient les montagnes pour des raisons qui, nous l’avons
vu, étaient essentiellement économiques, mais le terme technique pour décrire
le passage à l’état de
haïdouc
était « se rebeller » et le
haïdouc
était par définition un insurgé. Par ailleurs il rejoignait un groupe social
bien reconnu. Sans Robin des Bois, les joyeux compagnons de la forêt de
Sherwood n’ont aucun sens, alors que les
haïdoucs
dans les Balkans, tout comme, en Chine, les « bandits » qui se
trouvent sur la montagne de l’autre côté du lac, sont toujours présents pour
recevoir les dissidents ou les hors-la-loi. Leurs chefs peuvent changer, et
certains d’entre eux sont plus connus ou plus glorieux que d’autres, mais, pas
plus que leur existence, la réputation des
haïdoucs
ne dépend de celle d’un seul homme. Ils forment ainsi un groupe de héros, groupe
socialement reconnu et, de

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