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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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de réaction est assez
rare ; mais elle est à peine croyable quand on pense à quel point l’inégalité
fondée sur les castes est partout présente dans une société comme l’Inde.
    Si les
haïdoucs
étaient toujours des hommes libres, ce n’étaient pas des hommes vivant dans des
communautés
libres, comme on
peut le voir dans le cas typique des
haïdoucs
des Balkans. En effet la
ceta
ou bande, essentiellement composée d’individus qui, en décidant de s’unir, se
coupaient de leurs familles, était automatiquement une unité sociale peu « naturelle »,
puisqu’elle n’avait ni femmes, ni enfants, ni terres. Elle l’était d’ailleurs
doublement, car souvent les Turcs barraient la route qui aurait pu permettre au
haïdouc
de retourner dans son
village pour y mener une vie normale. Les ballades parlent d’hommes qui n’avaient
pour sœur et femme que leur sabre et leur fusil, et qui, quand la
ceta
était dissoute, se serraient la
main en silence et avec tristesse avant de devenir des individus perdus, dispersés
aux quatre coins de la terre. La mort leur tenait lieu de mariage, et ce thème
se retrouve aussi constamment dans les ballades. Les formes normales d’organisation
sociale leur étaient donc interdites, tout comme aux soldats en campagne, et, à
la différence des grandes bandes de pillards
krdzali
de la fin du XVIII e et du début du XIX e siècle, qui étaient accompagnés, selon la coutume
turque, de leurs harems d’hommes et de femmes, les
haïdoucs
, tant qu’ils étaient
haïdoucs
, n’essayaient pas de fonder de famille, peut-être
parce que leurs unités étaient trop petites pour les défendre. Pour autant qu’on
puisse parler à propos d’eux d’un modèle d’organisation sociale, le leur était
celui de la société masculine dont les célèbres cosaques Zaporogues sont l’exemple
le plus connu.
    Cette anomalie apparaît clairement dans leurs rapports avec
les femmes. Comme tous les bandits, les
haïdoucs
ne leur étaient nullement hostiles, bien au contraire. Un rapport secret sur un
chef du Komitadji macédonien signalait en 1908 que « comme presque tous
les
voïvodes
, il aime
beaucoup les femmes [93]  ».
Des jeunes filles – chose assez surprenante, il semble d’après les ballades que
certaines aient été des juives bulgares – se joignaient parfois aux
haïdoucs
, et de temps en temps une
Boyana, une Yelenka ou une Todorka devenait même
voïvode
. Quelques-unes, après une grande cérémonie d’adieux,
reprenaient une vie normale et se mariaient :
    « Penka partit dans la montagne
    Pour y retrouver les haïdoucs
    Et leur offrir des présents
    Car elle allait se marier.
    À tous les soldats elle offrit un mouchoir
    Où se trouvait une pièce d’or
    Afin que les haïdoucs se rappellent
    Quand s’était mariée leur Penka [94] . »
    Mais il semble que, durant leur vie de
haïdouc
, ces femmes, habillées comme
les hommes et combattant comme eux, n’aient pas joué un rôle féminin. Une
ballade raconte l’histoire d’une jeune fille, qui, cédant aux injonctions de sa
mère, rentra chez elle pour reprendre ce rôle, mais qui, ne pouvant le
supporter, planta là son rouet pour reprendre son fusil et retourner chez les
haïdoucs
. La liberté, qui faisait de l’homme
l’égal des nobles, conférait à la femme le statut de l’homme. Réciproquement, tout
au moins en principe, les
haïdoucs
,
quand ils étaient dans les montagnes, évitaient les rapports sexuels avec les
femmes. Les ballades clephtes rappellent avec insistance que toucher à des
prisonnières détenues dans l’espoir d’une rançon ou pour d’autres raisons est
un crime épouvantable, et, tout comme les hors-la-loi bulgares, ils croyaient
que quiconque attaquait une femme était inévitablement pris, c’est-à-dire
torturé et tué par les Turcs. Cette croyance est révélatrice, même si (comme on
peut le supposer) elle n’a pas toujours été respectée dans les faits [95] . Ailleurs que
chez les
haïdoucs
, on trouve
parfois des femmes, mais pas régulièrement. Il semble que Lampiao soit le seul
chef brésilien qui les ait laissé partager la vie errante des bandits, sans
doute après qu’il fut tombé amoureux de la belle Maria Bonita, histoire d’amour
qui revient fréquemment dans les ballades. Mais c’était là une exception.
    Bien entendu, la vie de
haïdouc
pouvait ne pas être excessivement contraignante, car, comme celle de la plupart
des brigands, elle était

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