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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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Troisièmement, cette vie sans racines jette ces jeunes ennemis de la
société dans des environnements temporaires, précaires et dangereux, très
différents de celui du foyer perdu. Cette vie errante les pousse à rechercher
des satisfactions émotionnelles de façon désordonnée et hors de tout cadre
stable. C’est là la raison profonde de leur angoisse sexuelle et la fréquence
pathologique des crimes aberrants qu’ils commettent. Pour eux, l’amour n’est le
plus souvent que le viol ou un concubinage occasionnel… Quand ils pensent que
les filles, pour une raison ou une autre, ont envie de les quitter, ils les
tuent. Quatrièmement, ils perdent le sens du
sentier
, cet élément essentiel de la vie
paysanne. Le montagnard tient aux sentiers au long desquels les gens portent
leurs innombrables fardeaux ; ils finissent par lui appartenir et c’est
une sorte d’amour qui pousse les hommes à les utiliser constamment. Mais le
bandit antisocial de notre époque abandonne les sentiers familiers, soit parce
que les soldats le poursuivent, soit que les tactiques de guérilla l’amènent à
rechercher des lieux où il puisse tendre des embuscades, et des chemins secrets
qui le conduisent sans qu’il soit vu à l’endroit où il déclenchera une
attaque-surprise [87] . »
    Dans de telles conditions, seules une idéologie solide et
une discipline rigoureuse peuvent empêcher les hommes de se transformer en
loups, mais ces deux qualités ne se trouvent généralement pas chez les rebelles
campagnards.
    Il faut mentionner les aberrations pathologiques du
banditisme. Cela dit, les formes de violence et de cruauté les plus permanentes
et les plus caractéristiques sont inséparables de la vengeance. Celle-ci s’exerce
contre ceux qui ont infligé au bandit une humiliation personnelle, mais aussi contre
les oppresseurs. En mai 1744, le capitaine de bandits Oleksa Dovbus attaqua la
demeure d’un seigneur nommé Constantin Zlotnicky. Il plongea ses mains dans le
feu et les y laissa brûler, puis répandit sur sa peau des braises ardentes. Il
refusa toute rançon. Selon les moines cisterciens de Lwow, il déclara :
« Je ne suis pas venu pour une rançon, je suis venu prendre ta vie. Il y a
assez longtemps que tu tortures le peuple. » Il tua également la femme et
le jeune fils de Zlotnicky. La chronique des moines s’achève sur une remarque
concernant la cruauté de Zlotnicky, responsable de nombreuses morts. Là où des
hommes deviennent des bandits, la cruauté engendre la cruauté et le sang
appelle le sang [88] .

CHAPITRE
6.
LES « HAÏDOUCS »
    « 
Nentcho est resté orphelin
Sans père, sans mère
Et il n’a au monde personne
Pour le conseiller, le diriger
Afin qu’il cultive, qu’il exploite
Les propriétés paternelles.
Mais il s’est fait brigand,
Porte-étendard des brigands.
Trésorier de leur argent
[89] . »
    Dans les montagnes et les vastes plaines du sud-est de l’Europe,
l’avance des seigneurs chrétiens et des conquérants turcs rendit la vie des
paysans de plus en plus pénible à partir du XV e siècle,
tout en leur laissant une grande marge de liberté éventuelle, ce qui n’était
pas le cas dans certaines régions où la population était plus dense et l’administration
plus ferme ; d’où l’apparition, d’abord de façon presque spontanée, puis
sous des formes organisées, de groupes et communautés d’hommes libres, armés et
combatifs, qui avaient été chassés de leur terre ou avaient fui le servage. Ces
groupes, qu’un historien a qualifiés de « couches militaires sorties de la
paysannerie libre », devinrent caractéristiques de cette large zone. En
Russie, on les appelait des cosaques, en Grèce des
clephtes
et en Ukraine des
haidamaks
. Mais en Hongrie et dans la péninsule des
Balkans, au nord de la Grèce, ils étaient généralement connus sous le nom de
haïdoucs
(
Hajdú
,
Hajdut
,
Hajdutin
), mot d’origine
turque ou magyare, qui, comme d’habitude, fait l’objet d’ardentes controverses
philologiques. C’est la forme collective de la dissidence paysanne qui, nous l’avons
vu, a donné au niveau individuel, le bandit classique.
    Tout comme les hommes parmi lesquels se recrutaient les
Robin des Bois et les vengeurs, les
haïdoucs
ne se rebellaient pas automatiquement et systématiquement contre toute forme d’autorité.
Il arrive, par exemple dans certaines régions de Hongrie, qu’ils s’attachent à
des seigneurs à qui ils

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