Les Bandits
« coalition
stalino-bourgeoise » fut de libérer un camarade blessé dans une
escarmouche avec la police (républicaine) ; la seconde, ordonnée une fois
de plus par le Comité de défense de la jeunesse anarchiste, consista à libérer
quatre hommes qui avaient été emprisonnés après le soulèvement de mai 1937, et
que l’on transférait de l’un à l’autre de ces deux pôles du globe des militants
anarchistes qu’étaient la Prison modèle et la forteresse de Montjuich. Puis il
fut lui-même emprisonné à Montjuich, d’où il essaya de s’échapper. À Vich, sa
nouvelle prison, sa femme lui fit parvenir un revolver, qu’il utilisa pour s’enfuir.
Il était maintenant repéré. Ses camarades, pour le planquer, l’envoyèrent au
front avec une autre unité anarchiste, la 26 e Division Durruti, avec laquelle il resta jusqu’à la fin. Il convient peut-être
d’ajouter, pour la gouverne des lecteurs non anarchistes, que l’attachement de
Sabaté à la cause républicaine et sa haine de Franco ne furent jamais remis en
question par ces surprenantes péripéties.
Vint la fin de la guerre. Après le séjour classique dans un
camp de concentration français, Sabaté se retrouve ajusteur près d’Angoulême (son
frère Pepe, qui était officier, avait été pris et emprisonné à Valence ; le
jeune Manolo avait à peine douze ans). Surpris par l’occupation allemande, il
retourna rapidement dans la clandestinité. Mais, à la différence de nombreux
réfugiés espagnols, ses activités dans la résistance furent marginales. Sa
passion, c’était l’Espagne, et uniquement l’Espagne. Aux environs de 1942, il
était de retour à la frontière pyrénéenne, malade mais déjà assoiffé de raids. À
partir de ce moment, il se mit à opérer seul et à faire des reconnaissances au
long de la frontière.
Il commença par faire le tour des fermes de la montagne
comme mécanicien et bricoleur ambulant. Puis, au bout d’un certain temps, il
entra dans un groupe de contrebandiers. Ensuite il se choisit deux bases, et s’installa
comme fermier dans l’une d’entre elles, le mas Casenobe-Loubette près de
Coustouges, d’où il pouvait voir l’Espagne. La portion de frontière comprise
entre La Preste et Ceret devait toujours rester « sa » zone. Les
chemins et les gens qu’il connaissait se trouvaient là, et c’est là qu’il avait
ses bases et ses dépôts. Ce fut en définitive sa perte, car, à quelques
kilomètres près, la police savait où l’attendre. Par ailleurs, c’était
inévitable. Des organisations efficaces peuvent faire passer des courriers ou
des guérilleros n’importe où entre Irun et Port Bou. Mais le groupe de petites
entreprises artisanales que constituent les anarchistes vivant dans la
clandestinité se compose d’hommes qui sont perdus dès qu’ils quittent le
secteur restreint qu’ils ont eux-mêmes prospecté. Sabaté connaissait son
secteur ; il connaissait les chemins qui le reliaient à Barcelone ; surtout,
il connaissait Barcelone. C’était là son « fief », et jamais il n’opéra
nulle part ailleurs en Espagne.
Jusqu’au printemps 1945, il servit de guide et fit peut-être
des travaux de liaison, mais, semble-t-il, ne lança pas de raids. C’est au mois
de mai de cette année-là qu’il commença à se faire un nom en arrachant un
camarade à la police en plein milieu de Barcelone. Puis vinrent les événements
qui firent de lui un héros. Son groupe attira un jour l’attention de la Garde
civile à Bafiolas, l’endroit où lui et ses hommes se dispersaient après avoir
franchi les montagnes. Les policiers brandirent leurs armes – Sabaté se faisait
un point d’honneur de ne pas tirer avant que l’adversaire n’eût fait mine de le
faire – et l’un d’entre eux fut tué et un autre désarmé. Sabaté évita ses
poursuivants en marchant tout simplement par petites étapes jusqu’à Barcelone. Quand
il y arriva, la police était au courant. Il marcha droit dans une embuscade en
se rendant à un milk-bar de la Calle Santa Teresa, où les camarades avaient l’habitude
de se réunir. Sabaté avait un flair extraordinaire pour les embuscades. Il
était clair pour lui que les quatre manœuvres qui venaient tranquillement à sa
rencontre en bavardant étaient des policiers. C’est pourquoi il continua
nonchalamment à marcher
dans leur
direction
. Quand il fut à dix mètres, il sortit sa mitraillette.
La guerre entre la police et les
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