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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E. J. Hobsawm
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Llobregat, juste à la sortie de Barcelone. À l’exception
de Juan, enfant nerveux qui voulait être prêtre, les garçons se tournèrent vers
la gauche, suivant en cela l’aîné, Pepe l’ajusteur. Aujourd’hui, trois d’entre
eux sont morts. Francisco lui-même n’était pas passionné par les livres, bien
qu’il fît plus tard des efforts héroïques en ce domaine afin d’être en mesure, en
bon anarchiste, de parler de Rousseau, de Herbert Spencer et de Bakounine, et
bien qu’il fût encore plus fier de ses deux filles, qui se trouvaient au lycée
de Toulouse et ne lisaient que
L’Express
et
France-Observateur
. Mais
ce n’était donc pas un semi-illettré, comme l’en accusa Franco, à qui il en
voulut toujours amèrement.
    Il avait dix-sept ans quand il s’engagea dans l’Organisation
des jeunesses libertaires et se mit à absorber la merveilleuse vérité dans les
cercles libertaires où les jeunes militants se réunissaient pour y trouver
éducation et inspiration. À l’époque, avoir une conscience politique, à
Barcelone, c’était devenir un anarchiste aussi inévitablement qu’à Aberavon c’était
entrer au Parti travailliste. Mais aucun homme ne peut échapper à son destin. Tout
comme certaines femmes ne se réalisent pleinement qu’au lit, certains hommes ne
se réalisent que dans l’action. C’était le cas de Sabaté, qui avait la mâchoire
et le sourcil épais, et qui faisait plus petit que sa taille parce qu’il était
trapu, bien qu’en réalité il fût un peu moins musclé qu’on n’aurait cru. Au
repos, il était nerveux et mal à l’aise. Il était presque incapable de s’asseoir
confortablement dans un fauteuil, et surtout pas dans un café, où, en bon
spécialiste de la gâchette, il choisissait automatiquement un siège d’où il
pouvait surveiller la porte d’entrée et proche de la sortie arrière. Mais dès
qu’il se trouvait à un coin de rue une arme à la main, il devenait détendu, et,
dans un style assez rude, radieux. Ses camarades l’ont décrit comme étant alors
muy serena
, sûr de ses
réflexes et de ses instincts, de ce flair qu’on peut améliorer mais que la
seule expérience ne saurait créer, sûr, par-dessus tout, de son courage et de
sa chance. S’il n’avait été doué de remarquables aptitudes naturelles, jamais
il n’aurait vécu près de vingt-deux ans en hors-la-loi, et ce sans interruption,
à l’exception de la prison.
    Il semble que dès le début ou presque il se soit trouvé dans
les
grupos especificos
ou
groupes d’action des jeunes libertaires, qui livraient des duels à la police, assassinaient
des réactionnaires, délivraient des prisonniers, et expropriaient des banques
pour financer un petit journal, trouver régulièrement des fonds étant difficile
en raison de la méfiance des anarchistes à l’égard de toute organisation. Il n’avait
que des activités locales. En 1936 – il était à l’époque marié, ou plutôt
ostensiblement non marié à une servante originaire de Valence et dont le
caractère avait la même simplicité biblique que le sien –, il faisait encore
tout simplement partie du comité révolutionnaire d’Hospitalet. Il partit pour
le front dans la colonne
Los Aguiluchos
(« Les Jeunes Aigles »), commandée par Garcia Oliver, où il fit
office de centurion, c’est-à-dire, comme le nom l’indique, responsable de cent
hommes. Comme ses dons pour le commandement de type orthodoxe étaient
manifestement limités, on en fit rapidement un armurier, occupation qui lui
convenait très bien vu sa connaissance des armes et des explosifs. Par ailleurs,
il était naturellement attiré par la mécanique comme par le combat. C’était le
genre d’homme qui prend un tas de ferraille et se fabrique une motocyclette. Il
ne devint jamais officier.
    Sabaté combattit tranquillement avec sa colonne (qui fut par
la suite intégrée à la 28 e Division Ascaso, commandée
par Gregorio Jover) jusqu’à la bataille de Teruel. Il ne fut pas utilisé dans
les unités spéciales de guérilleros, ce qui indique que ses talents n’avaient
pas été reconnus. Puis, en pleine bataille, il déserta. L’explication
officielle est qu’il se querella avec les communistes, ce qui est plus que
vraisemblable. Il s’en retourna à Barcelone mener une existence clandestine que,
pour des raisons pratiques, il vécut jusqu’à la fin de ses jours.
    À Barcelone, sa première action contre la

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