Les Bandits
protester contre un vote à l’ONU
.
À l’occasion de matches de football, il lançait des tracts
au public à raide d’un bazooka qu’il avait lui-même fabriqué ; l’arme à la
main, il entrait dans des bars pour y faire entendre des discours
antifranquistes enregistrés sur magnétophone. Il dévalisait des banques pour la
cause. Pourtant, ceux qui le connaissaient sont d’accord pour dire que ce qui
comptait vraiment pour lui, c’était plus l’exemple que les conséquences de l’action.
Ce qui le poussait, de manière irrésistible et obsessionnelle, c’était le désir
de faire des raids en Espagne, et l’éternel duel entre les militants et l’État :
le sort des camarades emprisonnés, la haine de la police. Quelqu’un d’extérieur
à ce monde peut se demander pourquoi aucun de ces groupes n’essaya jamais
sérieusement d’assassiner Franco ou même le capitaine-général de la Catalogne, mais
simplement le Sr Quintela, de la police de Barcelone. Mais c’est que Quintela
était à la tête de la « Brigade sociale », et qu’il avait, disait-on,
torturé des camarades de ses propres mains. Il est d’ailleurs révélateur – entre
autres du manque d’organisation anarchiste – que Sabaté, quand il projeta de l’assassiner,
découvrit qu’un autre groupe d’activistes s’était déjà fixé le même objectif de
son côté.
À partir de 1945, donc, les exploits héroïques se
multiplièrent. De source officielle (mais c’est une source à laquelle on ne
peut faire totalement confiance), Sabaté procéda à cinq attaques en 1947, une
en 1948, et pas moins de quinze en 1949, année de gloire et de désastre pour
les guérilleros de Barcelone. Au mois de janvier de cette année-là, les Sabaté
se chargèrent de trouver des fonds pour la défense d’un certain nombre de
prisonniers, dont la liste avait été établie par un dénommé Ballester, qui
était suivi par la police depuis sa sortie de prison. En février, Pepe Sabaté
tua un policier qui leur tendait une embuscade à la porte du Ciné Condal, près
du Paralelo, où ils avaient rendez-vous. Peu après, la police surprit Pepe et
José Lopez Penedo dans leur sommeil à la Torrasa, faubourg peuplé d’émigrants
venus du sud et chanteurs de flamenco. Les deux hommes livrèrent bataille, en
sous-vêtements, entre la porte d’entrée et la salle à manger. Lopez fut tué ;
Pepe, grièvement blessé et à moitié nu, réussit à s’échapper, traversa à la
nage la rivière Llobregat, arrêta un passant et lui prit ses habits sous la
menace du revolver, et fit huit kilomètres à pied pour se rendre dans un lieu
sûr, où il fut rejoint par son frère qui lui trouva un docteur et s’arrangea
pour le faire passer en France.
En mars, Sabaté et les « Los Manos », un groupe de
jeunes Aragonais, s’allièrent pour tuer Quintela. Ils ne tuèrent, et par erreur,
que deux phalangistes de moindre importance. (Quelqu’un avait sorti un tract
menaçant d’attaquer le quartier général de la police, qui, tout effrayée qu’elle
fût, était sur ses gardes.) En mai, Sabaté et Facerias décidèrent d’agir en
commun pour placer des bombes dans les consulats brésilien, péruvien et
bolivien. L’alarme ayant été donnée, Sabaté démonta tranquillement une bombe à
retardement pour faire en sorte qu’elle explose tout de suite. Il lui arrivait
de placer des bombes en se servant tout simplement d’une canne à pêche. Cependant,
en automne, la police contrôlait la situation. En octobre, Pepe tomba dans une
embuscade, alors qu’il venait d’en éviter une en passant sur le corps d’un
policier qu’il avait tué. Ce mois-là vit la disparition du gros des combattants.
En décembre mourut un troisième frère Sabaté. Le jeune
Manolo n’avait jamais été un homme de l’« idée ». Son ambition était
de devenir torero et, dans son adolescence, il avait quitté la maison familiale
pour suivre les
novilladas
[127] en Andalousie. Néanmoins
ses frères représentaient une forme d’aventure qui le tentait également. Ils ne
l’autorisèrent pas à se joindre à eux, préférant qu’il fasse des études et s’améliore
un petit peu, mais son nom lui permit de rentrer dans le groupe du redoutable
Ramon Capdevila (« Caraquemada » ou « Tête Brûlée »), ancien
boxeur qui avait quitté le ring après avoir découvert l’« idée », et
qui était devenu un remarquable expert en explosifs. Il faisait,
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