Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
a recensé des cas d’employés de BP révélant par mégarde à l’extérieur des informations susceptibles de faire courir un danger. Il ne suffit pas de savoir que vous ne devez pas y faire allusion à l’extérieur. Vous devez garder cela à l’esprit en permanence lorsque vous parlez à des personnes étrangères à BP.
Cela concerne même les sujets les plus insignifiants en apparence. L’ennemi ne collecte pas ses renseignements grâce à des scoops retentissants, mais à partir d’un chuchotement ici, un tout petit détail là…
Tout cela était fait pour que les employés se sentent un peu honteux :
Les bavardages n’ont d’autre but que de flatter la vanité ou satisfaire la curiosité. Vous avez tout à y perdre, notamment votre poste ici. Et vous pouvez aussi être responsable du sacrifice de la vie des autres, voire de la défaite dans cette guerre.
Dans son récit, Peter Calvocoressi tient des propos très intéressants sur le principe du secret, à savoir que dans l’immense majorité des cas, une fois la recrue intégrée à Bletchley Park, il n’y avait aucun moyen pour elle de faire machine arrière et de partir ailleurs.
La communauté Ultra de BP se considérait, peut-être à juste titre, comme l’élite de l’élite. Nombre des caractéristiques ayant contribué à son succès lui donnaient tout son sérieux : un terreau de recrutement étroit, les effectifs limités de ses sections de cryptographie et de renseignement, l’énorme pression infligée par un travail extrêmement prenant, le sens des responsabilités et de l’accomplissement et l’absence d’échappatoire.
La règle imposée par la sécurité était la suivante : une fois entré, plus de sortie possible. Et cette règle était rarement transgressée. Un pensionnaire souhaitant obtenir une autre affectation devait venir plaider sa cause devant un comité. La demande d’examen était suivie d’un entretien et, presque invariablement, du rejet de la requête.
Une fille qui avait le cœur brisé et souhaitait partir pour arranger les choses pouvait se voir témoigner un peu de compassion, mais on ne la lâchait pas. Côté Ultra, les seuls gens de passage étaient les officiers qui venaient en formation à BP avant d’aller dans les services de renseignement de terrain, au sein desquels ils géraient des contenus Ultra.
Mais, face à cette sécurité pointilleuse, la hiérarchie administrative avait toujours peur et il semblerait que cette crainte ait été parfaitement justifiée. Par exemple, certains laissent aujourd’hui entendre qu’un espion non identifié, répondant au nom de code de « Baron », évoluait au sein du Park dans les premières années de la guerre, fournissant des informations non pas aux Allemands mais aux alliés russes. On avance le nom de Leo Long, qui travaillait au sein du ministère de la Guerre. En mai 1941, il divulgua un message déchiffré de Bletchley Park à propos de l’opération allemande Barbarossa contre la Russie.
À l’inverse, ceux qui choisissaient de leur propre chef d’aider la Russie se montraient plus négligents quant aux méthodes qu’ils utilisaient, détail plus alarmant.
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Bletchley et les Russes
Les épanchements accidentels et les fanfaronnades sous le coup de l’alcool représentaient certes une menace pour la sécurité, mais le Park était également vulnérable aux agissements de personnages plus calculateurs. À la fin des années 1990 émergea John Cairncross, espion à plein-temps tristement célèbre, surnommé « le cinquième homme » dans les tabloïds.
Bletchley l’avait déjà vraiment échappé belle. En 1940, un correspondant du Times , Kim Philby, qui devait devenir célèbre sous le surnom de « troisième homme », faisait le pied de grue, en quête d’un travail en rapport avec la guerre. Dans ses Mémoires publiés en 1968, soit cinq ans après sa défection au profit de l’Union soviétique, Philby disait :
J’obtins un entretien, arrangé par un ami mutuel, avec Frank Birch, une lumière de l’école gouvernementale du code et du chiffre, un centre de décryptage chargé de débrouiller les codes ennemis (et amis). Finalement, il refusa mes services sous le prétexte, désespérant pour moi, qu’il ne pourrait m’offrir assez d’argent pour me dédommager de mes peines.
On s’aperçoit aujourd’hui que la décision de Frank Birch, quelles que soient les raisons l’ayant
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