Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
écrivait :
Il est difficile pour le Dr Wynn-Williams de continuer à collaborer avec les gens de Dollis Hill. Il a le sentiment que l’idée de collaboration de M. Flowers se résume plutôt à tout faire lui-même… M. Flowers pense peut-être de bonne foi qu’il est meilleur que M. Keen, le Dr Wynn-Williams et moi-même pour mettre en place la politique de production de bombes, mais dans ce cas je suis convaincu qu’il a tort. Il est probablement excellent dans son travail ordinaire et la conception d’appareils pour résoudre un problème bien précis qu’il comprend bien, mais je l’ai trouvé lent et trop rigide pour saisir la complexité de notre travail.
C’est possible, mais on peut aussi voir dans ce courrier un soupçon, peut-être inconscient, de résistance d’une autre sorte, celle d’un professeur de mathématiques de Cambridge envers les idées d’un individu originaire d’East End en partie autodidacte et plutôt suffisant. Parmi les éminents personnages de Bletchley Park, Welchman semble avoir été celui qui tenait le plus à contrôler les travaux de recherche et les activités quotidiennes. Par conséquent, voir débarquer ce groupe de Dollis Hill qui dénigrait son propre talent était plus qu’il ne pouvait supporter.
C’est ainsi que la mauvaise volonté de Welchman ne fit que croître. Il écrivit : « L’influence du Dr Radley et de M. Flowers doit être complètement anéantie », au point qu’il contacta le service d’approvisionnement de l’Amirauté pour leur dire que Flowers gaspillait en toute insouciance des valves en bon état pour mener ses travaux de recherche et que lui et l’équipe de Dollis Hill devaient être écartés de ce projet.
L’Amirauté choisit de ne pas l’écouter. Welchman fut promu en temps utile et s’embarqua pour les États-Unis. Cela aurait pu faciliter la vie de l’équipe de Dollis Hill. Mais le plus remarquable, aux dires de l’historien Paul Gannon, c’est que la décision de poursuivre l’aventure et de développer la machine Colossus fut prise unilatéralement par le département de recherche du Post Office, sans tenir compte des états d’âme de Bletchley Park. Le Park était disposé à poursuivre avec les Heath Robinson, qui fonctionnaient malgré les pannes, estimant que la guerre pourrait fort bien être terminée avant qu’une machine plus sophistiquée puisse être mise en service. Aux yeux du groupe de Dollis Hill, la guerre allait durer un peu plus longtemps.
Ce fut donc le Post Office qui fournit l’argent, le matériel et le personnel pour les travaux de recherche sur Colossus. Cependant, en raison de la lourde bureaucratie en temps de guerre, et malgré le parti pris de Churchill en faveur de la cryptanalyse, Flowers dut souvent mettre lui-même la main à la poche pour se procurer certains équipements. La Heath Robinson tenait peut-être de l’invention de génie de fortune, mais les bouts de ficelle parvenaient à bon port grâce à la bourse de Tommy Flowers, qui déclara ainsi : « Cette prouesse fut possible grâce à la priorité absolue accordée à la commande de matériel et services et aux efforts prodigieux des membres du laboratoire, dont un grand nombre ont travaillé d’arrache-pied pendant des semaines et des mois, ne s’offrant qu’une demi-journée de repos par semaine […] les États-Unis ont également fourni des valves et une machine à écrire électrique grâce à la loi Lend-Lease 48 . »
Ce monstre (Colossus) fut donc livré à Bletchley en janvier 1944. Beaucoup affirment que cela marque la naissance de l’ère informatique, car cette machine était bien plus qu’un gigantesque calculateur sophistiqué. Elle fonctionnait selon un programme grâce à des impulsions électroniques et des circuits complexes et fragiles et à une vitesse jamais atteinte permettant d’ouvrir les messages Lorentz d’une manière ultrarapide.
On donna raison à Tommy Flowers. Le travail qu’il fournissait s’avéra extrêmement précieux. Son esprit vif d’ingénieur avait permis de surmonter des problèmes extraordinaires. Mais, bien entendu, il n’était autorisé à en faire part à personne.
Se réhabituer à la paix après des années de guerre fut extrêmement difficile pour beaucoup de gens. Et Tommy Flowers n’y échappa pas. Ce n’était pas uniquement parce que son patron Gordon Radley avait été fait chevalier et lui seulement fait discrètement membre de
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