Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
allemande utilisait Enigma depuis 1926. La machine en question, modèle élémentaire de rotors dotés de plots de contact électriques, avec un clavier, des lampes qui s’allument quand on appuie sur une touche, et ressemblant à une machine à écrire, fut adaptée par l’ingénieur électricien allemand Arthur Scherbius à partir d’un précédent modèle, plus simple.
Enigma était sur le marché depuis 1923 et servait à quelques banques commerciales souhaitant garder secrètes leurs communications. Mais ces banques étaient trop peu nombreuses et le produit fut un échec commercial. Curieusement, en 1926, le gouvernement britannique fit l’acquisition d’un exemplaire après qu’une démonstration de son fonctionnement eut été réalisée au ministère des Affaires étrangères. Cependant, le ministère de la Guerre estima qu’elle ne pourrait pas être utilisée sur le terrain en raison de son encombrement.
Une fois le système adopté par la marine allemande, Enigma fut carrément retirée du marché public, aussi bien militaire que commercial. Les Allemands entreprirent alors une série de modifications afin de renforcer la sécurité du dispositif. Peu de temps après, l’armée de l’air allemande se dota également de l’Enigma, puis ce fut au tour de l’armée de terre. Le ministère de la Guerre britannique s’était fourvoyé au sujet de cette machine, parfaitement transportable. Il en fut fabriqué plusieurs milliers.
Les machines Enigma chiffraient les messages d’un côté et les déchiffraient de l’autre. L’opérateur tapait une lettre sur un clavier normal. Deux secondes plus tard, grâce à un courant électrique envoyé vers les rotors, la lampe d’une autre lettre s’allumait. Cette lettre de substitution était notée et ainsi de suite pour toutes les lettres d’un message. La version chiffrée était ensuite transmise par radio en morse au destinataire.
Armé de sa machine Enigma paramétrée exactement comme celle de l’expéditeur, le destinataire tapait une à une les lettres chiffrées et les vraies lettres s’illuminaient une à une.
« Bien qu’il eût été possible à un seul chiffreur d’exécuter toutes les tâches de la procédure de chiffrement, observe le cryptanalyste Alan Stripp, le processus aurait été long et difficile à suivre. Normalement, cela se faisait en binôme. » Et, même à deux, l’opération prenait beaucoup de temps. En outre, il fallait changer le paramétrage de la machine toutes les vingt-quatre heures.
En 1927, la GC&CS prit la sage précaution d’étudier la machine Enigma d’origine non modifiée. Hugh Foss, qui devait devenir une lumière en matière de déchiffrement des codes japonais, fut affecté à cette mission.
John Herivel souligna plus tard, visiblement admiratif, la complexité de cette machine à l’apparence fascinante : « La fonction des rotors, avec leurs contacts à aiguilles et plats, anneaux et roues à rochet, la possibilité de les sortir du brouilleur, la fonction du réflecteur » et « la merveilleuse ingéniosité avec laquelle chacun des trois rotors tournait d’un cran pour occuper la position la plus proche parmi les 26 positions disponibles, l’opérateur pouvant cependant le faire avancer manuellement sur l’une des 25 autres positions ».
Ainsi, cette machine ingénieuse en bakélite et en cuivre était irrésistiblement captivante pour n’importe quel mathématicien ou logicien. Même si le paramétrage de la machine changeait quotidiennement, il devait assurément exister un moyen de démasquer le dispositif.
Il y avait cependant une difficulté supplémentaire. La nouvelle version de la machine était dotée d’un tableau de connexions qui rendait le câblage infiniment plus complexe et offrait des millions de combinaisons de chiffrement supplémentaires. « Les Allemands considéraient l’Enigma comme une machine totalement inviolable », fait remarquer Stuart Milner-Barry, présent à Bletchley dans les débuts et affecté au baraquement 6. « Une épreuve pour les casseurs de codes, même les plus talentueux et ingénieux. »
Mais, dès le départ, Hugh Foss ne fut pas convaincu de l’inviolabilité de la machine Enigma. Il écrivit une note disant que, moyennant la collecte de suffisamment d’informations sur le câblage, il serait possible de percer le fonctionnement de cette machine en devinant des mots ou expressions qui serviraient de base de départ
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