Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
Dilly Knox ainsi qu’Alistair Denniston.
La réunion était vitale. Comme le savaient Knox et Denniston, il fallait prendre une longueur d’avance avant le début de la guerre entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Avant 1939, beaucoup de gens partaient du principe, de manière irréfléchie, que la suprématie navale de la Grande-Bretagne était incontestable. Il deviendrait très vite évident que ce n’était plus le cas. En outre, la marine allemande était encore plus soucieuse de la sécurité que l’armée de terre. Si cette dernière transmettait des messages par câbles, les cuirassés de haute mer employaient des signaux radio, que le camp d’en face pouvait capter. Il leur fallait donc chiffrer très astucieusement ces signaux.
En 1939, Knox s’était retrouvé dans une impasse en raison du câblage de la version militaire de l’Enigma, difficulté supplémentaire et distincte du fonctionnement des rotors. L’ennui, c’était que le nombre de configurations pour le câblage du clavier était très élevé. Mais, ce jour-là, près de Varsovie, les Polonais dirent à Knox que les Allemands avaient en fait un modèle alphabétique des plus limpides : A pour A, B pour B. Jack Copeland expliqua que « la prise A du tableau de connexions était connectée à la première borne du disque d’entrée, la prise B à la deuxième, et ainsi de suite ». Ce n’était assurément pas la solution au problème de l’Enigma, mais cela apportait un précieux éclairage.
Apprendre, après des mois passés à cogiter sur l’énigme du câblage, que la solution était la plus évidente, fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase d’un Knox habituellement imprévisible. Selon Denniston, Knox commença par « être furieux et tempêter » une fois dans la voiture qui les ramenait à Varsovie, hurlant que « tout ça n’était qu’une imposture ». Cependant, comme le fit remarquer Fitzgerald, aux yeux de Knox, « il s’était fait rouler, non pas parce qu’il n’était pas parvenu à résoudre le problème, mais parce que la solution était trop simple. Le jeu devait en valoir la chandelle ».
Dans une lettre écrite quelques années plus tard, Denniston disait : « Notre position est devenue de plus en plus difficile car même Bertrand, qui ne parlait pas l’anglais, avait bien conscience que Knox en voulait aux Polonais, lesquels, d’après ce que savait Bertrand, avaient seulement réussi là où Knox avait échoué… » L’ancien du baraquement 6 John Herivel pensait lui aussi que le caractère de Knox aurait très bien pu avoir d’effroyables répercussions, comme il l’écrivit par la suite :
Si Knox avait continué à faire des difficultés et à se montrer intransigeant, la conférence aurait capoté, les délégations française et britannique seraient rentrées chez elles les mains vides, le déchiffrement ultérieur du système Enigma grâce à la méthode des fiches de Zygalski n’aurait jamais abouti et le code rouge de la Luftwaffe serait demeuré inviolé. Le haut commandement allié aurait été privé de ce que Nigel de Grey appelait « la source de renseignement de premier choix » de mai 1940 à la fin de la guerre.
Mais la tempête à laquelle faisait allusion Denniston dut passer très rapidement. À bord du taxi qui les ramenait de cette rencontre en pleine forêt organisée le second jour, Knox se mit à chanter gaiement : « Nous avons le QWERTZU, nous marchons ensemble ! » 13 . Dans une lettre de l’époque, il déclarait sèchement : « Je pense qu’on devrait envoyer des fleurs aux Polonais pour leur coup de chance. »
Chance ou habileté mise à part, les informations sur le câblage étaient vitales. Knox transmit par téléphone les informations à Peter Twinn. On dit que le temps que Knox rentre à Bletchley, Twinn avait trouvé à lui seul les schémas du câblage des rotors et s’était mis à travailler sur quelques messages interceptés l’année précédente.
« J’ai été le premier cryptographe britannique à déchiffrer un message Enigma des services allemands », rappelle Twinn d’un ton dégagé, précisant : « J’ajoute tout de suite que je n’en ai pas tiré beaucoup de lauriers car, avec les informations rapportées de Pologne par Dilly, c’était pratiquement une procédure de routine. » Et il souligne : « Bien entendu, lire quelques messages [issus] d’une seule journée de 1938 n’était
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