Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
opérationnelles une fois équipées d’un tableau diagonal. Un ancien raconte : « Les bombes étaient des sortes de meubles de couleur bronze de 2,50 mètres de haut pour 2 mètres de large. Sur la façade figuraient des rangées de tambours circulaires (les couleurs navales étaient bleu foncé, noir et argent). »
« Après ces deux premiers exemplaires, on en fabriqua un grand nombre d’un format plutôt standard, dit Oliver Lawn. Elle s’est révélée utile. On en a construit en tout dans les deux cents. Les premières ont été installées à Bletchley, dans ce que l’on appelle aujourd’hui la Salle des bombes, qui existe toujours. Mais lorsque leur nombre a augmenté, il a fallu trouver d’autres endroits. On a alors placé la plupart d’entre elles sur deux sites, dans le nord de Londres, Eascote et Stanmore. Chacun d’eux comptait une centaine de machines, manoeuvrées par un effectif très fourni de Wrens. » Le choix de plusieurs sites coulait de source, en raison de la menace des bombardements. Eu égard au risque que cela représentait, il était inconcevable de toutes les installer au même endroit.
Les toutes premières Wrens, au nombre de 8, firent leur apparition à Bletchley Park en 1941 afin de vérifier s’il était possible pour des jeunes femmes de faire fonctionner les bombes cryptographiques. Certains responsables masculins « doutaient que des filles soient capables de se charger de cette mission ». Ils n’étaient pas simplement sexistes. Il était tout à fait raisonnable de se demander si ces jeunes personnes sauraient se montrer suffisamment à la hauteur d’un travail générant inévitablement une pression impitoyable. Mais les Wrens étaient manifestement taillées pour cette mission. Au fil de la guerre, le nombre de machines grimpa à 211 et les effectifs de Wrens augmentèrent également. On estime qu’en 1945 il y avait 1 676 opératrices de bombes cryptographiques. Cependant, ce travail eut sur les premières Wrens, ainsi que sur celles qui débarquèrent par la suite, des effets souvent néfastes.
Le travail était très dur pour ces jeunes femmes. Faire fonctionner correctement une bombe cryptographique demandait une grande concentration. Il était extrêmement important de faire preuve d’une très grande précision. Une ancienne Wren le confirme : « L’arrière de la machine était très difficile à décrire, un amas de prises qui pendaient… et une multitude de câbles, chacun devant être méticuleusement ajusté à l’aide de pinces afin de veiller à ce qu’il n’y ait pas de courts-circuits. »
Selon Ruth Bourne, elle aussi Wren, ce travail pouvait parfois être très pénible pour les jeunes femmes. Quand la tension était à son paroxysme, certaines filles s’effondraient et devaient ensuite observer de longues périodes de repos. Il fallait parfois l’intervention d’un médecin. Bourne se souvient aussi que faire fonctionner ces bombes était psychologiquement impitoyable.
La pression était grande en raison des horaires de travail. C’était très intense. On travaillait pendant huit heures, avec seulement trente minutes pour foncer faire la queue à la cantine, manger et revenir. Puis, la personne qui travaillait avec vous, appelée votre doublon, prenait sa pause de trente minutes. Vous travailliez avec elle en raison de l’alternance qu’il fallait respecter.
Une nuit, vous restiez debout à faire fonctionner la bombe pendant sept heures et demie. Puis, la nuit suivante, vous faisiez fonctionner une machine de contrôle, le plus souvent en position assise, ce qui n’était pas une tâche très difficile. Les arrêts ne nécessitaient pas beaucoup de contrôle. Vous aviez peut-être quatre ou cinq arrêts par nuit, ce qui était plutôt tranquille. La seule fois où vous collaboriez avec votre doublon, c’était lors de la phase particulièrement complexe de connexion, à l’arrière de la machine. Mais celle-ci faisait beaucoup de bruit et il y avait aussi l’odeur. De nombreuses personnes sortaient épuisées.
Je me suis retrouvée dans cet état pendant une courte période. Vous alliez à l’infirmerie et vous leur disiez « Je ne me sens pas bien. » Ils vous répondaient « Qu’est-ce qui vous arrive ? » et vous leur répondiez « Je ne sais pas » et il vous arrivait parfois simplement de pleurer.
Ils vous mettaient au lit pendant quatre jours et demi environ, avec une grande carafe
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