Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
1940, les Allemands débarquèrent avec 15 000 hommes à la fois au Danemark et en Norvège, prenant carrément les Britanniques par surprise. En effet, les navires britanniques n’avaient pris la mer que quatre jours plus tôt pour larguer des mines dans les eaux norvégiennes, incitant le Premier ministre Neville Chamberlain à déclarer un peu vite qu’« Hitler avait loupé le coche ».
Le mois suivant marqua l’invasion allemande de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg puis, avec une rapidité stupéfiante, de la France, offensive à grande échelle aussi brutale que celle ayant précédemment visé la Pologne. La Force expéditionnaire britannique fut encerclée et repoussée vers Dunkerque. Neville Chamberlain démissionna, entraînant la chute du gouvernement.
Le 10 mai, Winston Churchill devint Premier ministre, prenant la tête d’un gouvernement national. Les Français croyaient que les Britanniques laisseraient leurs troupes en France, mais Churchill ordonna l’évacuation des forces britanniques de l’autre côté de la Manche. Paris chuta ensuite à son tour et, quand on lit les nombreux journaux de Mass Observation 17 , il ne fait aucun doute que les Britanniques étaient convaincus d’être les prochains sur la liste.
C’était l’angoisse dans tout le pays. De l’association Mass Observation aux journaux de personnalités telles qu’Harold Nicolson, il ressort comme un état mental onirique. Londres et les grandes villes essuyaient des bombardements nocturnes. La machine de guerre nazie semblait implacable.
Mais, avant l’extraordinaire retraite de Dunkerque qui tint du miracle, Bletchley réalisa une autre découverte d’une importance vitale. Autre triomphe du truc d’Herivel, on parvint à casser le code rouge d’Enigma. S’immiscer dans les communications de l’armée de l’air allemande était une récompense fabuleuse. « Le code rouge est immédiatement devenu d’une importance capitale, commente un ancien du baraquement 6, et l’est resté tout au long de la guerre, sur tous les principaux théâtres d’opération, à l’exception de l’Afrique. Le code rouge était un formidable outil qui permettait au baraquement 6 d’avancer. Je ne me souviens pas d’une période où nous ayons arrêté [de déchiffrer] pendant quelques jours. »
À partir de là, le Park fut en mesure de lire quotidiennement chaque message de la Luftwaffe, à raison d’environ mille par jour. Ces messages donnaient également des indices cruciaux sur les mouvements des troupes terrestres. Ces messages présentaient cependant l’inconvénient d’être bourrés de jargon technique : abréviations, termes désignant le matériel, références cartographiques périmées. À court terme, les renseignements récupérés n’étaient d’aucune utilité aux milliers de soldats britanniques qui attendaient l’arrivée de petits bateaux pour être évacués des plages de Dunkerque. Mais c’était en soi une avancée fantastique et les difficultés seraient surmontées avec le temps et l’acquisition d’une certaine expérience.
La dimension psychologique, relayée à Churchill, était également importante. Le fruit de ces opérations de déchiffrement montrait manifestement que l’objectif majeur des Allemands était de conquérir la France. En mai 1940, il n’était nullement fait mention d’un projet d’envahissement de la Grande-Bretagne. Parmi les milliers de messages déchiffrés, aucun ne révélait les préparatifs d’une incursion de l’autre côté de la Manche.
Mais en juin 1940, les messages déchiffrés apportaient un éclairage sur la remise en condition de la Luftwaffe, laissant fortement penser qu’une campagne de bombardement contre la Grande-Bretagne était imminente. « Enigma révéla l’imminence de la bataille d’Angleterre, écrit le casseur de codes Sir Harry Hinsley. Le fait qu’Enigma apporte depuis quelques mois son lot de renseignements sur l’organisation, l’ordre de bataille et le matériel de l’armée de l’air allemande, était d’une immense valeur stratégique. »
Effectivement, grâce à Bletchley Park (les informations étaient qualifiées de « don du ciel » et « apparemment sûres »), le renseignement aérien et la RAF se firent une idée plus précise des forces de bombardement allemandes et acquirent de l’assurance. L’ennemi n’était pas aussi innombrable qu’on l’avait pensé dans un premier temps. En
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