Les Casseurs de codes de la Seconde Guerre mondiale
Grâce aux messages déchiffrés fournis presque instantanément par Bletchley (et transmis immédiatement à l’Amirauté), le convoi parvint à exécuter des manœuvres dilatoires pour échapper au Tirpitz et à la meute de U-Boote.
Cependant, une attaque lancée contre le Tirpitz proprement dit ne donna rien. Quelques mois plus tard, cette « ombre » planait au-dessus du convoi PQ17, constitué de trente navires naviguant dans le vent et les glaces des mers du nord. Le Tirpitz et d’autres bâtiments ennemis commencèrent à les traquer. Là encore, les casseurs de codes de Bletchley œuvrèrent à une vitesse incroyable et les messages déchiffrés furent transmis à l’Amirauté. Mais, cette fois-ci il y eut une incompréhension.
L’Amirauté donna l’ordre au convoi de se disperser. Au Park, l’officier de liaison du baraquement 4 Harry Hinsley essaya de persuader l’Amirauté de garder le convoi en formation et qu’il rebrousse chemin vers la flotte de guerre britannique stationnée dans les eaux territoriales. L’Amirauté n’écouta pas ce conseil.
Vingt-quatre navires alliés furent coulés, certains par une attaque aérienne et d’autres par les U-Boote. Ce n’était pas Bletchley qui avait failli, mais plutôt ceux qui donnaient les ordres sur la base des données reçues.
Cependant, malgré ce genre de catastrophe et l’angoisse générée par le black-out cryptographique de 1942, Bletchley pouvait toujours, selon le cryptographe Edward Thomas, quelque peu se consoler. « Le déroutement des convois, rendu possible par le fait que le baraquement 8 était parvenu à craquer l’Enigma navale au printemps 1941, écrit-il, avait, selon certains historiens, permis d’épargner 300 navires marchands et donc d’atténuer les lourdes pertes à venir. » Malgré le black-out, faisait-il observer, cette première avancée de Bletchley Park rendit la nouvelle offensive de Dönitz bien moins efficace qu’escompté et les pertes s’en trouvèrent diminuées.
Au printemps 1942, le baraquement 3 réalisa quelques percées importantes dans les codes de la Luftwaffe. Il en résulta l’adoption de meilleures mesures défensives, avec 1 000 opérations de bombardement. En conséquence, la RAF se permit de mener plus d’attaques audacieuses tout en réduisant au minimum la perte d’appareils. Bien que nombre de ces attaques sur les cibles industrielles majeures se soient montrées inefficaces et imprécises, elles eurent un puissant effet de propagande, surtout parmi les Britanniques. Le raid allemand sur Coventry avait renforcé la soif de vengeance du peuple britannique. Après les destructions causées par le Blitz contre Londres et les attaques atroces telles que celle contre Coventry, on considérait que la RAF rendait à l’Allemagne la monnaie de sa pièce.
Malgré un début désastreux, 1942 finit par se révéler être, aux dires de Churchill « la fin du début ». Il y eut le triomphe capital d’El-Alamein, peut-être la plus importante bataille britannique de la guerre. Après des mois de revers durs pour le moral en Afrique du Nord, les armées du général Montgomery finirent par enfoncer les lignes allemandes, obligeant les forces de l’Axe de Rommel à battre en retraite. « À l’été 1942, se souvient l’opératrice de transmission du Service Y Aileen Clayton, basée à l’époque à Malte, très peu de communications Enigma entre les forces allemandes en Afrique et le commandement à Berlin et en Italie nous ont échappé. Et maintenant que les cryptographes de Bletchley déchiffraient très rapidement les messages, on avait l’impression de faire partie de l’encadrement de Rommel. »
Les résultats furent spectaculaires. Grâce à Bletchley, Montgomery eut accès à un volume d’informations sans précédent sur les effectifs, l’armement, l’approvisionnement de l’armée ennemie. « Alamein, c’était merveilleux, se souvient un ancien, car vous aviez ces messages désespérés de Rommel disant, “l’armée de panzers est épuisée, il ne nous reste que 50 kilomètres de carburant, la quantité de munitions est indigne”, etc. »
Nous voyons là une partie de l’ambiguïté ressentie par les militaires britanniques envers les renseignements fournis par Bletchley Park. On dit que Montgomery n’avait pas entièrement confiance en ce qu’on lui disait. « Nous n’avons pas arrêté de dire à Monty que Rommel avait peu de chars », se
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