Les chasseurs de mammouths
s’approcher d’elle.
— C’était mon foyer, dit-elle, soudain submergée de chagrin
devant l’irrévocabilité de son choix. C’était un endroit bien à moi. Mon totem
m’y a conduite, il m’a donné un signe.
Elle posa la main sur le petit sac de cuir qu’elle portait
autour du cou.
— J’étais bien seule mais j’ai fait ici ce que je voulais
faire, ce que je devais faire. A présent, l’Esprit du Lion des Cavernes me
commande de partir.
Elle leva les yeux vers l’homme de belle taille qui se tenait
près d’elle.
— Crois-tu que nous reviendrons un jour ?
— Non, répondit-il.
Sa voix sonnait creux. Il regardait la petite caverne mais il
voyait un autre lieu, en un autre temps.
— Même quand on revient au même endroit, il n’est plus
pareil.
— Alors, pourquoi veux-tu repartir là-bas, Jondalar ?
Pourquoi ne pas rester ici, devenir un Mamutoï ? questionna-t-elle.
— Je ne peux pas rester. C’est difficile à expliquer. Rien
ne sera plus pareil, je le sais, mais les Zelandonii sont mon peuple. Je veux
leur montrer les pyrites. Je veux leur enseigner à chasser avec le
lance-sagaie. Je veux qu’ils voient ce qu’on peut faire du silex, quand il a
été chauffé. Toutes ces choses sont importantes et très utiles. Je veux les
apporter à mon peuple.
Elle plongea son regard dans les yeux expressifs, emplis de
trouble. Elle aurait aimé pouvoir en chasser la souffrance qu’elle y
discernait.
— Je veux, ajouta-t-il d’une voix plus basse, qu’en me
regardant ils me jugent dignes d’eux.
— Leur opinion a-t-elle donc une telle importance ? N’est-il
pas important que tu saches, toi, qui tu es ?
Elle se rappela alors que le Lion des Cavernes était son totem,
à lui aussi, qu’il avait été choisi, tout comme elle, par l’Esprit du puissant
animal. Il n’était pas aisé, elle le savait, de vivre avec un totem puissant,
les épreuves étaient difficiles, mais les dons, le savoir qui naissait en vous
en étaient la précieuse récompense. Le Grand Lion des Cavernes, lui avait
appris Creb, ne choisissait jamais un être qui n’en était pas digne.
Plutôt que le sac plus petit, porté sur une seule épaule, qu’utilisaient
les Mamutoï, ils installèrent sur leur dos de lourdes hottes, munies de
lanières qui se croisaient sur la poitrine, pareilles à celle qu’avait portée
Jondalar. Ils s’assurèrent qu’ils pouvaient remonter ou rejeter facilement les
capuchons de leurs pelisses. Ayla avait pensé à préparer des courroies qui se
nouaient autour du front pour mieux assurer la charge, le cas échéant, mais,
quant à elle, elle préférait utiliser sa fronde à cet usage. Dans les hottes se
trouvaient leurs provisions, le nécessaire pour allumer du feu, leur tente et leurs
fourrures de couchage.
Jondalar portait aussi deux gros rognons de silex, soigneusement
choisis sur la berge du cours d’eau, et le petit sac plein de pierres à feu.
Dans une poche séparée attachée sur la hanche, chacun avait des sagaies et un
propulseur. Ayla avait placé dans une petite sacoche plusieurs pierres qui
convenaient tout particulièrement à la fronde, et, sous sa pelisse, se trouvait
son sac à médecines, suspendu à une lanière qui ceinturait sa tunique.
La balle de foin était attachée sur le dos de la jument. Ayla
examina avec soin les deux chevaux, leurs jambes, leur posture, leur allure,
afin de s’assurer qu’ils n’étaient pas trop chargés. Sur un ultime regard vers
le sentier abrupt, ils s’engagèrent dans la longue vallée. Whinney suivait Ayla.
Jondalar menait Rapide à la longe. Ils franchirent la petite rivière près du
gué. La jeune femme envisagea un instant d’alléger la charge de Whinney pour
faciliter l’ascension de la pente couverte de gravier, mais la solide jument s’en
tira sans encombre.
Quand ils se retrouvèrent sur les steppes de l’ouest, Ayla
adopta un itinéraire différent de celui qu’ils avaient emprunté à l’aller. Elle
se trompa de direction, revint en arrière, reconnut enfin le chemin qu’elle
voulait prendre. Ils parvinrent à un canyon sans issue, jonché d’énormes blocs
de rochers aux arêtes vives, qui avaient été détachés des murailles de granite
par le tranchant acéré du gel, de la chaleur et du temps. Ayla guettait chez
Whinney des signes de nervosité : le canyon avait naguère été le repaire
de lions des cavernes. Ils s’y engagèrent néanmoins, se dirigèrent vers
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