Les chasseurs de mammouths
la
pente de gravier, à l’autre extrémité.
Le jour où Ayla avait découvert les deux frères, Thonolan était
déjà mort, et Jondalar grièvement blessé. La jeune femme avait adressé une
requête à l’Esprit du Lion des Cavernes, pour qu’il guidât le défunt vers l’autre
monde, mais elle n’avait pas eu le temps nécessaire pour les rites de l’ensevelissement.
Toutefois, elle ne pouvait abandonner le corps aux prédateurs. Elle l’avait
traîné jusqu’à l’extrémité du canyon et, avec sa lourde lance, semblable à
celles qu’utilisaient les hommes du Clan, elle avait déplacé un rocher qui
retenait une accumulation de débris. Elle avait pleuré en voyant le gravier
recouvrir la forme ensanglantée, sans vie d’un homme qu’elle n’avait jamais
connu, qu’elle ne connaîtrait jamais, un homme qui lui ressemblait, qui faisait
partie des Autres...
Jondalar, au bas de la pente, aurait souhaité faire quelque
chose pour marquer l’emplacement de la tombe de son frère. Peut-être Doni l’avait-elle
déjà retrouvé, puisqu’elle l’avait rappelé si tôt à elle, mais la Zelandoni, il
le savait, s’efforcerait de retrouver cet endroit où reposait l’esprit de
Thonolan, afin de le guider si elle le pouvait. Comment pourrait-il lui dire où
se trouvait ce lieu ? Il aurait été incapable de le découvrir par
lui-même.
— Jondalar ? fit Ayla.
Il la regarda, et remarqua qu’elle tenait dans sa main une
petite bourse de cuir.
— Tu m’as dit que son esprit devait retourner vers Doni. Je
ne connais pas les coutumes de la Grande Terre Mère mais seulement le monde
spirituel des totems du Clan. J’ai demandé à mon Lion des Cavernes de le guider
jusque-là. Peut-être est-ce le même monde, ou peut-être ta Grande Mère
sait-elle l’existence de celui-là. Mais le Lion des Cavernes est un totem
puissant, et ton frère n’est pas sans protection.
— Merci, Ayla. Tu as fait de ton mieux, je le sais.
— Peut-être ne comprends-tu pas, de même que je ne
comprends pas Doni, mais le Lion des Cavernes est ton totem à toi aussi,
désormais. Il t’a choisi, comme il m’avait choisie, et il t’a marqué, comme il
m’avait marquée.
— Tu me l’as déjà dit. Je ne suis pas sûr de la
signification de tes paroles.
— Il devait te choisir puisqu’il t’avait poussé vers moi.
Seul un homme qui a pour totem le Lion des Cavernes est assez fort pour une
femme qui a ce même totem. Mais tu dois savoir une chose. Creb me l’a toujours
dit : il n’est pas facile de vivre avec un puissant totem. Son esprit te
mettra à l’épreuve, pour déterminer si tu es digne de Lui. Ce sera très dur,
mais tu y gagneras plus que tu ne crois.
Elle lui tendit le petit sac.
— Je t’ai fait une amulette. Tu n’es pas obligé de la
porter autour du cou, comme moi, mais tu dois la garder sur toi. J’y ai mis un
morceau d’ocre rouge, afin qu’elle contienne un peu de ton esprit et un peu de
celui de ton totem. Mais ton amulette devrait contenir encore autre chose, je
crois.
Jondalar fronçait les sourcils. Il ne voulait pas blesser Ayla
mais il n’était pas sûr de désirer porter cette amulette d’un totem du Clan.
— Tu devrais, je pense, prélever un caillou sur la tombe de
ton frère. Un peu de son esprit y demeurera, et tu pourras le rapporter à ton
peuple.
Le visage de Jondalar s’assombrit encore, avant de s’éclairer
subitement. Mais oui ! Ce caillou pourrait aider la Zelandoni à retrouver
cet endroit, dans un état de transe. Peut-être les totems du clan avaient-ils
plus de valeur qu’il ne leur en avait accordé. Après tout, Doni n’avait-elle
pas créé les esprits de tous les animaux ?
— Ayla, comment fais-tu pour savoir précisément ce qu’il
faut faire ?
— Comment as-tu pu devenir si savante, là où tu as
grandi ? Oui, je garderai ton amulette, et je vais y ajouter une pierre
prise sur la tombe de Thonolan, dit-il.
Il regardait le gravier, fait de petites pierres aux arêtes
tranchantes, qui s’accumulait au pied de la muraille en un équilibre instable.
Il avait été formé par les mêmes forces qui avaient détaché de la paroi
verticale du canyon des dalles et des blocs. Tout à coup, une pierre, cédant à
la force cosmique de la gravité, roula parmi d’autres et vint s’immobiliser aux
pieds de Jondalar. Il la ramassa. Au premier regard, elle ressemblait à tous
les autres fragments de granite et de roches
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