Les chasseurs de mammouths
sentir : elle se
balançait légèrement sur ses jambes. La plupart des lampes étaient éteintes. Le
feu était au plus bas.
— Peut-être devrions-nous faire comme eux, répondit Ranec
en souriant.
Ayla discerna une invitation tacite dans les yeux brillants.
Elle eut envie d’y céder mais elle ne savait trop comment s’y prendre.
— Oui, suis fatiguée, dit-elle.
Elle se dirigeait vers sa propre plate-forme, mais il lui prit
la main pour la retenir.
— Ne pars pas, Ayla.
Il ne souriait plus. Sa voix était insistante.
Elle se retourna. Aussitôt, il l’entoura de ses bras, posa sur
la sienne une bouche dure. Elle entrouvrit les lèvres, et il réagit
immédiatement. Il fit pleuvoir des baisers sur sa bouche, son cou, sa gorge.
Ses mains se tendirent vers ses seins, caressèrent ses hanches, ses cuisses, s’aventurèrent
au plus secret de son être. On aurait dit qu’il ne pouvait se rassasier d’elle,
qu’il la voulait tout entière à lui, tout de suite. Elle était parcourue de
frissons qu’elle ne pouvait réprimer. Il la serra contre lui, elle prit
conscience de son ardente virilité et se sentit fondre en retour.
— Ayla, je te veux. Viens partager mon lit, murmura-t-il d’un
ton pressant, irrésistible.
Avec une étrange complaisance, elle le suivit.
Durant toute la soirée, Jondalar avait regardé la femme qu’il
aimait rire, plaisanter et danser avec son nouveau peuple. Plus il l’observait,
plus il se faisait l’effet d’un intrus. Mais c’étaient surtout les attentions
du sculpteur à la peau sombre qui l’irritaient. Il mourait d’envie de donner
libre cours à sa colère, d’intervenir, d’enlever Ayla, mais elle était là chez
elle, à présent, c’était la soirée de son adoption. De quel droit aurait-il
troublé la fête ? Il ne pouvait que prendre une expression tolérante, mais
il était très malheureux. Il regagna sa plate-forme de couchage et demanda l’oubli
à un sommeil qui se refusait à lui.
Dans l’ombre où il était étendu, Jondalar, entre les rideaux,
vit Ranec étreindre Ayla et la guider vers son lit. Il éprouva le choc de l’incrédulité.
Comment pouvait-elle suivre un autre homme, alors que lui-même l’attendait ?
Aucune femme n’avait jamais choisi quelqu’un d’autre alors qu’il la désirait,
et il s’agissait cette fois de la femme qu’il aimait ! Il eut envie de
bondir hors de sa couche, d’aller l’arracher à l’autre, d’écraser de son poing
cette bouche souriante.
Mais il imagina les dents cassées, le sang, se remémora l’horrible
souffrance de la honte, de l’exil. Ces gens-là n’étaient même pas son peuple.
Assurément, ils le chasseraient, et, dans la nuit des plaines glaciales, il n’avait
aucun endroit où aller. Et comment pourrait-il partir sans son Ayla ?
Mais elle avait fait son choix. Elle avait choisi Ranec, et il
lui appartenait de choisir qui elle voulait. Jondalar l’attendait, oui, mais
cela ne voulait pas dire qu’elle fût obligée de venir à lui, et elle n’était
pas venue. Elle avait choisi un homme de son propre peuple, un Mamutoï, qui
avait chanté, dansé avec elle, qui lui avait fait la cour, avec lequel elle
avait ri, avec lequel elle s’était amusée. Pouvait-il l’en blâmer ?
Combien de fois lui était-il arrivé, à lui-même, de choisir une femme avec
laquelle il avait ri, avec laquelle il s’était amusé ?
Mais comment avait-elle pu agir ainsi ? Elle était la femme
qu’il aimait ! Comment pouvait-elle choisir quelqu’un d’autre, quand il l’aimait ?
Jondalar se sentait plonger dans l’angoisse et le désespoir, mais que
pouvait-il faire ? Rien, sinon ravaler l’amère nausée de la jalousie et
regarder la femme qu’il aimait suivre un autre homme jusqu’à sa couche.
Ayla n’avait pas l’esprit très clair, par la faute du breuvage
de Talut, et elle se sentait certainement attirée par Ranec, mais ce n’étaient
pas les raisons qui l’avaient poussée à le suivre. Elle l’aurait fait de toute
manière. Elle avait été élevée par le Clan. On lui avait appris à obéir, sans
question, à tout homme qui lui commandait de la suivre, qui lui donnait le
signal qu’il désirait s’accoupler avec elle.
Quand un homme du Clan donnait ce signal à une femme, elle
devait lui rendre ce service, tout comme elle lui aurait apporté à manger ou à
boire. On estimait plus courtois de solliciter d’abord ce service auprès du
compagnon de la
Weitere Kostenlose Bücher