Les chasseurs de mammouths
pas inspirer à Ayla ces mêmes réactions. Aussi se tenait-il sur
la réserve.
Ranec savait qu’ils ne partageaient pas les Plaisirs. La
présence d’Ayla le taraudait, bien qu’il s’efforçât de ne pas trop le montrer.
Il savait à quel moment elle allait se coucher, à quel moment elle se
réveillait, ce qu’elle mangeait, avec qui elle parlait, et il passait le plus
de temps possible au Foyer du Mammouth. Parmi ceux qui se réunissaient là, l’esprit
de Ranec, qui s’exerçait parfois aux dépens de l’un ou l’autre membre du Camp
du Lion, soulevait souvent des tempêtes de rires. Toutefois, qu’Ayla fût
présente ou non, il prenait toujours grand soin de ne pas dénigrer Jondalar.
Ranec avait la parole facile, le visiteur en était conscient, et ce n’était
justement pas son fort à lui. Devant la musculature compacte et l’assurance
insouciante de Ranec, tout grand et bel homme qu’il était, il se faisait l’effet
d’un lourdaud.
L’hiver s’installait, et le malentendu entre Ayla et
Jondalar s’aggravait. Jondalar commençait à redouter de la perdre à tout jamais
au profit de ce sculpteur séduisant à la peau sombre. Sans cesse, il essayait
de se convaincre qu’en toute justice il devait la laisser faire son choix, qu’il
n’avait aucun droit de lui imposer ses exigences. Mais il restait à l’écart,
parce qu’il ne voulait pas lui proposer un choix qui lui donnerait l’occasion
de le rejeter.
Le temps exécrable ne paraissait pas gêner les Mamutoï. Ils
avaient dans leurs réserves toutes les provisions nécessaires et, bien au
chaud, en sécurité dans leur habitation semi-souterraine, ils se livraient à
leurs distractions hivernales habituelles. Les aînés du Camp se réunissaient le
plus souvent autour du feu, dans le foyer où l’on faisait la cuisine : ils
buvaient des infusions chaudes, racontaient des histoires, évoquaient des
souvenirs, échangeaient des commérages et jouaient à des jeux de hasard avec
des jetons d’ivoire ou d’os ciselés, quand ils n’étaient pas absorbés par
quelque projet. Les plus jeunes s’assemblaient autour du Foyer du Mammouth,
pour rire et plaisanter, chanter et s’exercer sur les instruments de musique.
Les enfants, eux, étaient les bienvenus partout. C’était l’époque du repos, le
temps de faire et de réparer les outils et les armes, les ustensiles et les
bijoux. Le temps de tresser des nattes et des paniers, de sculpter l’ivoire et
l’os, de fabriquer des lanières, des cordes, des cordons, des filets. Le temps
de coudre et d’orner des vêtements.
Ayla s’intéressait aux méthodes employées par les Mamutoï pour
traiter le cuir et, surtout, pour le teindre. Sa curiosité était piquée aussi
par les broderies de couleurs, par le travail des perles et des piquants de
porc-épic. Les vêtements cousus et ornés restaient pour elle une nouveauté.
Elle dit un jour à Deegie :
— Tu as dit tu montrerais comment faire cuir rouge après je
prépare peau. Je travaille sur peau de bison et je crois est prête.
— Très bien, je vais te montrer, répondit son amie. Allons
voir comment elle se présente.
Ayla prit, dans l’emplacement réservé au rangement, à la tête de
son lit, une peau entière, l’étala. Elle était incroyablement douce au toucher,
souple et presque blanche. Deegie l’examina d’un œil critique. Elle avait
observé sans commentaires mais avec une vive attention le travail de la jeune
femme.
Ayla, d’abord, à l’aide d’un couteau bien tranchant, avait coupé
l’abondante crinière au ras de la peau. Puis elle la posa sur un gros os de la
jambe d’un mammouth, la gratta, avec la tranche un peu émoussée d’un fragment
de silex. Elle grattait l’intérieur de la peau pour en ôter les particules de
graisse ou de vaisseaux sanguins. Elle grattait aussi l’extérieur, pour
détruire la couche superficielle et supprimer du même coup le grain du cuir. La
méthode de Deegie était différente. Elle roulait la peau, l’exposait au feu
durant quelques jours. La peau commençait alors à se flétrir et le poil se
détachait plus facilement le moment venu, laissant la couche superficielle
montrer le grain du cuir. Pour obtenir une peau plus douce et plus souple,
comme celle travaillée par Ayla, elle la fixait sur un cadre, afin de gratter
le poil et le grain.
Ayla avait projeté de frotter la peau avec de la graisse pour l’assouplir,
comme à son habitude. Deegie lui
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