Les chasseurs de mammouths
Pourquoi, ensuite, s’était-il montré si
froid ? Pourquoi l’avait-il de nouveau rejetée ? Pourquoi avait-il
cessé de l’aimer ? Elle avait cru le connaître, dans le temps. Maintenant,
elle ne le comprenait plus du tout...
Elle se retourna dans ses fourrures, se roula en boule, se remit
à pleurer silencieusement. Elle pleurait du désir de voir Jondalar l’aimer de
nouveau.
— Je suis content d’avoir pensé à inviter Jondalar pour
la première chasse au mammouth, déclara Talut à Nezzie.
Ils venaient de regagner le Foyer du Lion.
— Il a passé toute la soirée à façonner cette sagaie. Il
doit vraiment avoir envie de venir, je crois.
Nezzie leva les yeux vers lui, haussa un sourcil, secoua la
tête.
— Rien n’est plus loin de son esprit que la chasse au
mammouth, dit-elle.
Elle remonta une fourrure autour de la tête blonde de sa fille
cadette, profondément endormie, et sourit tendrement devant les formes déjà
presque féminines de son aînée, blottie contre sa jeune sœur.
— L’hiver prochain, il faudra penser à trouver une place
séparée pour Latie, elle sera femme. Mais elle manquera à Rugie.
Talut jeta un coup d’œil derrière lui. Le visiteur débarrassait
sa lame d’éclats de silex, tout en essayant de voir Ayla au-delà des foyers
intermédiaires. Il ne la distinguait pas. Il porta alors son regard vers le
Foyer du Renard. Talut tourna la tête, vit Ranec se mettre au lit. Il était
seul mais il ne cessait, lui aussi, de regarder dans la direction de la couche
d’Ayla. Nezzie doit avoir raison, se dit Talut.
Jondalar s’était attardé dans le foyer de la cuisine, seul. Il
travaillait sur une longue lame de silex qu’il fixerait ensuite à une hampe
solide, comme le faisait Wymez. Il apprenait à faire une lance mamutoï pour la
chasse au mammouth en en fabriquant d’abord une réplique exacte. Une partie de
son esprit se concentrait sur ce façonnage auquel il était familiarisé pour lui
apporter certaines améliorations, ou envisager d’autres méthodes, mais, pour le
reste, il était incapable de penser à autre chose qu’à Ayla, et, s’il était à l’ouvrage,
c’était uniquement pour éviter la compagnie des autres et leur conversation. Il
préférait être seul avec ses pensées.
En voyant la jeune femme aller se coucher seule, il éprouva un
profond soulagement. Il n’aurait pas supporté qu’elle rejoigne le lit de Ranec.
Il plia soigneusement ses nouveaux vêtements, avant de se glisser entre les
fourrures neuves qu’il avait étendues sur les anciennes. Les mains croisées
derrière la tête, il regardait le plafond trop familier du foyer de la cuisine.
Il avait passé bien des nuits sans sommeil à le contempler. La honte et le
remords l’obsédaient encore douloureusement, mais il ne ressentait pas, cette
nuit-là, la brûlure du désir. Il avait beau s’en détester, il se remémorait le
Plaisir de l’après-midi. Il Y songeait, récapitulait avec minutie chaque
instant, revoyait en esprit chaque détail, le savourant lentement.
Il n’avait jamais été aussi détendu depuis l’adoption d’Ayla. Il
laissa vagabonder son esprit dans un demi-rêve. L’ardeur de la jeune femme n’était-elle
pas un pur produit de son imagination ? Oui, sûrement : il était
impossible qu’elle l’eût désiré à ce point. Avait-elle vraiment pu réagir avec
un tel élan, tendue vers lui comme si son propre désir répondait au sien ?
En songeant à leur étreinte, il sentait un feu se répandre dans ses reins. Mais
il s’agissait plutôt d’une douce chaleur : ce n’était plus la souffrance
obsédante où se mêlaient le désir refoulé, l’amour démesuré, la jalousie
incandescente. Il pensait à lui apporter le Plaisir – il adorait lui
apporter le Plaisir – et il fit un mouvement pour se lever, pour
aller la retrouver.
Ce fut seulement lorsqu’il repoussa la fourrure et se redressa
sur son séant, lorsqu’il commença à agir sur le coup de ses ruminations
demi-éveillées, que les conséquences des événements de l’après-midi le
frappèrent. Il ne pouvait aller partager son lit. Plus jamais. Il ne pourrait
plus jamais la toucher. Il l’avait perdue. Ce n’était même plus une question de
choix. Il avait détruit toute chance qu’elle pût le choisir. Il l’avait prise
de force, contre sa volonté.
Assis sur ses fourrures, les pieds sur une natte, les coudes
appuyés sur ses genoux relevés, il se prit la
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