Les chasseurs de mammouths
l’appel lui parvenait encore : c’était bien son nom, répété avec
insistance, avec une pressante insistance. Elle sentit Mamut se rapprocher d’elle,
et, ensemble, ils concentrèrent leur attention sur les voix qui chantaient.
Elle perçut un faible bourdonnement, eut l’impression d’être entraînée vers le
bruit. Enfin, au loin, elle entendit la voix profonde, vibrante, saccadée des
tambours dire « h-h-o-ooo-mm-rn ». Plus distinctement, maintenant,
elle entendit aussi son nom, crié sur un ton d’angoisse et d’amour infini. Une
sorte de pression indéfinissable arriva jusqu’à elle, toucha son essence même
et celle de Mamut en même temps.
Elle se retrouva tout à coup en mouvement, tirée, poussée au
long d’un fil unique, brillant. Elle avait une impression de vitesse inouïe. Le
lourd nuage l’environna, disparut. Elle traversa le vide en l’espace d’un clin
d’œil. L’arc-en-ciel miroitant devint une brume grise. L’instant d’après, elle
se retrouvait dans l’habitation. Au-dessous d’elle, son propre corps,
bizarrement inerte et d’une pâleur grisâtre, était étendu sur le sol. Elle vit
le dos d’un homme blond qui était penché sur elle et la serrait dans ses bras.
Elle sentit Mamut la pousser avec force.
Les paupières d’Ayla battirent. Elle ouvrit enfin les yeux, vit
le visage de Jondalar tout près du sien. L’effroi qui hantait les yeux bleus se
transforma en un intense soulagement. La jeune femme voulut parler, mais sa
langue lui semblait épaissie, et elle avait froid, elle était glacée.
Elle entendit la voix de Nezzie :
— Ils sont de retour ! Je ne sais pas où ils sont
allés mais ils sont de retour. Et ils ont froid ! Apportez des fourrures
et quelque chose de chaud à boire.
Deegie alla prendre sur son lit une brassée de fourrures, et
Jondalar s’écarta pour lui permettre d’en envelopper Ayla. Loup arriva
précipitamment, sauta sur la jeune femme, lui lécha le visage. Ranec apporta
une coupe d’infusion brûlante. Talut aidait Ayla à se redresser. Ranec approcha
de ses lèvres le breuvage chaud, et elle lui sourit avec gratitude. Dans l’abri
des chevaux, Whinney hennit. La jeune femme reconnut dans son cri la détresse
et la peur. Elle s’assit, répondit à la jument par le même hennissement, pour
la calmer, la rassurer. Elle s’inquiéta ensuite de Mamut, insista pour le voir.
On l’aida à se lever, on lui jeta une fourrure sur les épaules,
avant de la conduire jusqu’au vieux chaman. Enveloppé de fourrures, il tenait,
lui aussi, une coupe de tisane chaude. Il sourit à Ayla, mais son regard
exprimait une nuance de tourment. Il n’avait pas voulu inquiéter le Camp plus
que de raison et il avait essayé de minimiser leur périlleuse expérience. Il ne
voulait pas, cependant, laisser ignorer à Ayla la gravité du danger qu’ils
avaient couru. Elle aussi était désireuse d’en parler, mais l’un et l’autre
évitaient toute allusion directe à ce qu’ils avaient connu. Nezzie comprit très
vite leur désir de s’entretenir seule à seul. Discrètement, elle dispersa l’assistance.
— Où étions-nous, Mamut ? questionna Ayla.
— Je l’ignore. Je ne m’étais encore jamais trouvé là. C’était
un autre lieu, peut-être un autre temps. Il est possible qu’il ne se soit pas
agi d’un endroit réel, ajouta-t-il d’un ton pensif.
— Mais si, certainement, dit-elle. Toutes ces choses m’ont
donné l’impression d’être réelles, et certains éléments m’étaient familiers. Ce
vide, cette obscurité, je m’y suis trouvée avec Creb.
— Je te crois quand tu parles du pouvoir de ton Creb.
Peut-être était-il plus puissant encore que tu ne le crois, s’il était en
mesure de diriger et de maîtriser ce lieu.
— Oui, il l’était, Mamut, mais...
Une idée se présentait à l’esprit d’Ayla, mais elle n’était pas
sûre de pouvoir la formuler.
— Creb gouvernait ce lieu, il m’a montré ses souvenirs et
nos commencements, mais je ne crois pas qu’il soit jamais allé là où nous
sommes allés, Mamut. Il ne le pouvait pas, je pense. Peut-être est-ce ce qui m’a
protégée. Il possédait certains pouvoirs et il était capable de les maîtriser,
mais ils étaient différents. L’endroit où nous sommes allés, cette fois, c’était
un endroit nouveau. Creb était incapable de se rendre dans un lieu nouveau, il
ne pouvait se rendre qu’en des lieux où il s’était déjà
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