Les chasseurs de mammouths
Ayla
aperçut alors Tulie. Debout à l’intérieur de l’enclos dressé autour d’une tente
décorée de motifs à l’ocre rouge, la Femme Qui Ordonne était en train de
discuter avec d’autres femmes. Elle agita la main en direction d’Ayla et lui
fit un grand sourire.
— Regarde, Latie ! s’écria une des amies de la jeune
fille d’une voix excitée. Une pied-rouge !
Tout le monde s’arrêta pour regarder et les jeunes filles
pouffèrent. Ayla elle-même observa avec intérêt la femme qui passait d’un pas
nonchalant et elle remarqua que la plante de ses pieds nus était d’un rouge
profond et brillant. Elle avait entendu parler de ces femmes, mais c’était la
première fois qu’elle en voyait une. Même si elle semblait tout à fait
ordinaire, il y avait quelque chose chez elle qui attirait les regards.
La femme se dirigea vers un groupe de jeunes gens qu’Ayla n’avait
encore jamais vus et qui flânaient près d’une rangée d’arbres, de l’autre côté
de la clairière. Ayla remarqua que son attitude changeait au fur et à mesure qu’elle
s’approchait d’eux : le balancement de ses hanches s’accentuait, son
sourire devenait plus langoureux et on remarquait plus encore la teinte rouge
de ses pieds. La femme s’arrêta pour discuter avec les jeunes gens et son rire
limpide flotta dans l’air. Tandis qu’ils s’éloignaient, Ayla se souvint de la
conversation que Mamut avait eue avec les femmes la veille de la Fête du
Printemps.
Les Pas Encore Femmes, ces jeunes filles qui n’avaient pas
encore été initiées aux Plaisirs, étaient l’objet d’une surveillance constante
et pas seulement de la part de leurs chaperons. Ayla remarqua que des groupes
de jeunes gens se pressaient maintenant non loin de la palissade derrière
laquelle se trouvaient Latie et ses compagnes dans l’espoir d’attirer le regard
de ces jeunes filles qui, pour leur être interdites, n’en étaient que plus
désirables. A aucun moment de sa vie une femme n’était l’objet d’une telle
attention de la part de la population mâle. Les jeunes femmes profitaient de ce
statut tout à fait exceptionnel et des marques d’attention qu’il suscitait et
elles aussi, elles étaient fascinées par les représentants de l’autre sexe,
même si elles prenaient bien garde de n’en rien montrer. Elles passaient d’ailleurs
leur temps à jeter des coups d’œil furtifs hors de la tente ou de la palissade,
en direction des jeunes gens qui paradaient, d’un air faussement dégagé.
Même si certains de ces jeunes gens finiraient par former un
jour un foyer avec une des jeunes filles qu’ils regardaient pour l’instant de
loin, il y avait très peu de chances que l’un d’eux soit choisi pour cette
première et importante initiation. A cette occasion, on faisait appel à des
hommes plus âgés et plus expérimentés. Les jeunes filles et les conseillères
plus âgées qui partageaient leur tente discutaient entre elles des candidats
possibles. En général, ces hommes étaient consultés en privé avant que la
décision finale soit prise.
La veille de la cérémonie, les jeunes filles qui avaient
séjourné ensemble dans une tente à part – parfois deux, quand elles
étaient trop nombreuses – sortaient en groupe. Quand elles
rencontraient l’homme avec lequel elles désiraient passer la nuit, elles l’entouraient
et le « capturaient ». Les hommes capturés accompagnaient alors les
initiées – rares étaient ceux qui se dérobaient. Cette nuit-là, après
quelques rituels préliminaires, les hommes et les jeunes filles pénétraient
dans la tente que n’éclairait aucune lampe, tâtonnaient dans l’obscurité jusqu’à
ce qu’ils se rencontrent et passaient la nuit à explorer leurs différences et à
partager les Plaisirs. Ni les jeunes filles ni les hommes n’étaient censés
savoir avec qui ils allaient s’accoupler mais, dans la pratique, ils le
savaient presque toujours. Des gardiennes plus âgées étaient là pour s’assurer
qu’aucun homme ne faisait preuve de brutalité et elles pouvaient donner leur
avis dans les rares occasions où celui-ci s’avérait nécessaire. Si, pour une
raison ou une autre, certaines jeunes femmes n’étaient pas ouvertes à la fin de
la cérémonie, on ne blâmait jamais personne et elles avaient droit à une
seconde nuit rituelle, moins agitée que la précédente.
Ni Danug ni Druwez ne seraient invités sous la tente de Latie
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