Les chasseurs de mammouths
équilibré et il manque encore
un peu d’harmonie, dit la jeune femme qui frappait sur le fémur. A mon avis,
nous devrions introduire un pipeau avant les danses de Kylie.
— Je suis sûre que tu pourrais convaincre Barzec de chanter
cette partie, Tharie, dit Deegie.
— Il vaudrait mieux qu’il n’intervienne qu’ensuite. Kylie
et Barzec ensemble, cela ferait trop. Ils vont se faire du tort. Je crois que
le mieux ce serait d’employer un pipeau à cinq trous. Essayons, Manen proposa
Tharie à un homme à la barbe soigneusement peignée qui venait de les rejoindre.
Tharie recommença à jouer et cette fois les sons qu’elle tirait
du fémur semblèrent presque familiers à Ayla. Elle était heureuse de pouvoir
assister à cette répétition et ne demandait rien d’autre que de continuer à
écouter les musiciens. Cette expérience toute nouvelle pour elle l’enchantait.
Le pipeau qu’utilisait Manen était une patte de grue dont on avait creusé l’intérieur.
Quand il se mit à en jouer, les sonorités obsédantes de l’instrument
rappelèrent à Ayla la voix surnaturelle d’Ursus, le Grand Ours des Cavernes,
lors du Rassemblement du Clan. Seul un mog-ur était capable de produire un tel
son. C’était un secret auquel seuls ils avaient accès et qu’ils se
transmettaient. Eux aussi, ils devaient utiliser un instrument comme celui-ci,
songea Ayla.
Puis Kylie se mit à danser. Elle portait autour de ses bras des
bracelets semblables à ceux de la danseuse sungaea. Chacun d’eux était composé
de cinq cercles très fins en ivoire de mammouth, larges d’un centimètre. On
avait gravé sur chacun des bracelets des marques en diagonale qui rayonnaient à
partir d’un losange central, si bien que lorsque les cinq bracelets étaient
réunis apparaissait un motif d’ensemble en zigzag. On avait creusé un petit
trou à chaque extrémité pour pouvoir les attacher ensemble et, lorsque Kylie
faisait certains gestes, ils cliquetaient à l’unisson.
Kylie restait sur place : soit elle adoptait des positions
incroyables dans lesquelles elle se figeait un long moment, soit elle faisait
des mouvements acrobatiques qu’accentuait encore le cliquetis des bracelets.
Les mouvements de cette jeune femme forte et souple étaient si gracieux et si
coulants qu’ils semblaient aller de soi. Mais Ayla savait qu’elle n’aurait
jamais pu les faire. Elle était tellement transportée par la performance que,
quand Kylie eut terminé, elle laissa libre cours à son enthousiasme, comme le
faisaient si souvent les Mamutoï.
— Comment fais-tu, Kylie ? C’est extraordinaire !
Les sons, les mouvements, tout ! Je n’ai jamais rien vu de pareil.
Kylie et les musiciens sourirent : ils étaient heureux que
cela lui ait plu. Maintenant que la répétition était terminée, ils étaient plus
détendus. Le moment était venu de se reposer et ils voulaient en profiter pour
satisfaire leur curiosité. Ils avaient très envie d’en savoir un peu plus sur
cette femme mystérieuse qui n’était pas mamutoï et semblait venir de nulle
part. Tout le monde alla s’asseoir autour du foyer et, après avoir ranimé le
feu, on mit des pierres à chauffer et de l’eau à bouillir dans un récipient en
bois pour préparer une infusion.
— Il est impossible que tu n’aies pas déjà vu quelque chose
comme ça, dit Kylie.
— Jamais, protesta Ayla.
— Et les rythmes que tu m’as montrés ? intervint
Deegie.
— Ce n’est pas la même chose. C’étaient de simples rythmes
du Clan.
— Des rythmes du Clan ? demanda Tharie. Qu’entends-tu
par là ?
— Le Clan, ce sont les gens qui m’ont élevée... commença
Ayla.
— Ces rythmes ont l’air simples, mais ils ne le sont pas, l’interrompit
Deegie. En plus, ils suscitent des sentiments très forts.
— Voulez-vous nous montrer ? demanda le jeune homme
qui avait joué sur le crâne de mammouth.
Deegie regarda Ayla.
— On essaie ? lui demanda-t-elle. Puis elle se tourna
vers les autres pour leur expliquer : Nous avons déjà un peu joué
ensemble.
— Je ne sais pas ce que ça va donner, dit Ayla.
— On verra bien, répondit Deegie. Nous avons besoin d’un
instrument qui rende un son sourd, étouffé, sans résonance, comme si on tapait
du pied sur le sol et il faudrait qu’Ayla emprunte le tambour de Marut.
— Je pense qu’en enveloppant mon marteau dans un morceau de
peau, cela devrait marcher, dit Tharie en proposant son
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