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Les chemins de la bête

Les chemins de la bête

Titel: Les chemins de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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poussa la porte d’Adeline comme une furie. La malfaisante se rua sur
la forme endormie, l’agrippant aux cheveux et la bourrant de coups de poing.
    La grosse fille voulut hurler, mais une main féroce se
plaqua sur ses lèvres, et la pointe d’un couteau imprima sa morsure dans la
peau de son cou. Une voix feula à son oreille :
    — Où est-il, gueuse ? Où est mon viandier ?
Rends-le moi à l’instant ! Si tu cries, je t’étripe. Tu m’entends ?
    — J’l’ai pas, j’l’ai pas, j’te jure sur les
Évangiles ! C’est pas moi, pleurnicha Adeline.
    — Qui alors ? Fais vite, vilaine, ma patience est
à son terme.
    — Ça doit être le p’tit Clément. Y m’a demandé où qu’y
se trouvait, le viandier, j’veux dire ! Alors, j’y ai expliqué, pour sûr.
    — La peste soit de cette fouine de gamin !
    Les idées se percutaient dans l’esprit de Mabile. Elle avait
manqué de finesse. Contrairement à ce qu’elle avait cru pour se rassurer, ils
avaient bien trouvé le message destiné à Eudes de Larnay. Sans doute cette
odieuse verrue de gosse avait-il posé le pigeon mort bien en évidence dans la
chambre de la dame de Souarcy, certain qu’elle tenterait de le récupérer. La
disparition du réceptaire prouvait qu’il avait compris la nature du code et
que, sans doute, il l’avait déchiffré.
    Elle ne pouvait plus demeurer au manoir. Agnès avait assez
d’arguments pour exiger son châtiment.
    Comment se pouvait-il que cette sale bâtarde gagne
toujours ? Pourquoi Clément l’aimait-il au risque d’encourir la vengeance
de Mabile ? Et Gilbert ? Et les autres ? Pourquoi ?
    Une paix soudaine inonda Mabile. Elle avait cru abhorrer la
dame de Souarcy. Il n’en était rien. Elle s’était contentée de lui vouloir du
mal. La haine, la vraie, celle qui dévaste tout, commençait maintenant. La
haine la portait et elle ne reculerait plus devant rien. La haine occultait
toute peur, tout regret.
    La morsure de la lame quitta la gorge d’Adeline, qui
sanglotait toujours.
    — Écoute-moi bien, idiote ! Je retourne dans ma
chambre. Si jamais je t’entends te lever avant le matin, si jamais je t’entends
appeler, tu es morte. Tu as compris ? S’il le faut, pisse sur ton matelas,
mais que je n’entende pas un mouvement !
    L’autre secoua la tête frénétiquement.
    Mabile sortit de sa chambrette. Il ne lui restait que
quelques heures pour mettre assez de distance entre elle et les gens d’Agnès de
Souarcy.
    La nouvelle de la disparition de Mabile ne surprit pas
Agnès, et encore moins Clément, qui avait recueilli en cuisine les aveux d’une
Adeline au visage bouffi de larmes.
    — Espérons qu’un ours l’aura déchiquetée, commença
Clément comme ils se trouvaient dans la grange à foin qui avait hébergé le
cadavre emmené par les hommes du bailli.
    — Ils se méfient, eux aussi, des vipères.
    — Comptez-vous envoyer des gens à sa recherche, madame ?
    — Elle a plusieurs heures d’avance, et ce ne sont pas
nos chevaux de labour qui peuvent la rattraper. Et même s’ils la retrouvaient,
qu’en ferais-je ensuite ? N’oublie pas qu’elle est la propriété de mon
demi-frère. Je devrais de toute façon la lui remettre afin qu’il fasse justice.
    — En effet, mieux vaut la laisser errer dans la forêt.
Selon Adeline, elle a dû fuir aussi vite qu’elle le pouvait. Elle n’a pas
emporté grand-chose, peu de vivres et encore moins d’eau ou de vêtements. Qui
sait...
    — N’en espère pas trop, Clément.
    — Alors, c’est que la guerre est à nos portes.
    Agnès passa la main dans les cheveux de l’enfant en
murmurant d’un ton dont l’extrême lassitude le glaça :
    — Que voilà donc une admirable façon de résumer notre
situation. Laisse-moi, maintenant, je dois réfléchir.
    Il sembla hésiter, mais s’exécuta.
    Agnès remonta dans ses appartements. Une lassitude sans fin
alourdissait sa démarche. Dès que la porte de sa chambre se fut refermée,
l’apparente maîtrise qu’elle avait affichée afin de rassurer Clément
l’abandonna. Si Mabile parvenait à répandre son venin, Eudes la croirait ou
prétendrait accorder foi à ses perfidies. Si son demi-frère concluait alors que
les imprécisions du registre de la chapelle au sujet de la naissance de Clément
et de la mort de Sybille avaient eu pour but de dissimuler l’hérésie de cette
dernière, Agnès était perdue. Ses supposés crimes relèveraient d’une

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