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Les chevaliers de la table ronde

Les chevaliers de la table ronde

Titel: Les chevaliers de la table ronde Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Inconnu et sa suite, et
se leva pour les recevoir.
    « Seigneur étranger, dit-il, je t’hébergerai bien
volontiers ici, mais selon l’usage que j’ai établi. Il convient que tu te
mesures à moi auparavant en combat loyal. Si tu peux me jeter à terre, je te
devrai le logement. Mais si je te fais tomber de ton cheval, tu devras t’en
retourner sans rien attendre de moi, sous les moqueries de tous mes gens. – J’accepte
ton défi ! » répondit le Bel Inconnu. Ils se préparèrent l’un et l’autre.
Ils brisèrent quelques lances sans aucun résultat. À la fin, le Bel Inconnu se
rua sur son adversaire et lui donna un tel coup sur le bouclier que Lampart
vida les étriers et se retrouva bien vite à terre. Mais comme il n’était pas
blessé, il se releva et dit au Bel Inconnu : « Ami, descends
maintenant de ton cheval. Tu as droit au gîte, car tu l’as conquis noblement. Et
puisqu’il me semble que tu as beaucoup enduré et peiné, il est juste que tu puisses
te reposer. Ma demeure t’est ouverte, ainsi qu’à tes compagnons ! »
Et il embrassa le Bel Inconnu.
    Ils furent richement traités et logés pendant la nuit. Le lendemain,
après avoir entendu la messe, ils dînèrent de chapons gras et d’oiseaux. Mais
le Bel Inconnu ne voulut pas s’attarder à table et, à peine rassasié, il fit
seller les chevaux. Lampart aurait bien voulu retenir le Bel Inconnu, car il s’était
pris d’amitié pour lui. Il lui demanda cependant de lui permettre de l’accompagner
pendant une partie du chemin. Le Bel Inconnu accepta volontiers sa prière, et
ils partirent tous ensemble.
    Quand le jour commença à décliner, ils traversèrent une
forêt et découvrirent la Gaste Cité. Elle s’élevait, avec ses tours, ses
clochers, ses demeures resplendissantes, entre deux rivières aux eaux profondes
et rapides. Chacun descendit de selle. Lampart s’était mis à pleurer, et Hélie
également. « Pourquoi pleurez-vous ainsi ? leur demanda le Bel
Inconnu. – Hélas ! lui répondit Lampart, tu veux pénétrer dans la Gaste
Cité, ami très cher ! Sache que bien des périls t’y attendent ! Il
faut d’ailleurs que tu y ailles tout seul, car ceux qui viendraient avec toi
seraient immanquablement tués. Tu y verras les murs vieux et bigarrés, les
portes, les clochers, les maisons, les créneaux, les arches, les tourelles, tout
cela détruit et effondré. Tu n’y verras ni hommes ni femmes, mais seulement des
animaux parmi les plus affreux, des serpents, des lézards, des crapauds et des
rats. Garde-toi bien de retourner sur tes pas. Contente-toi de suivre la grande
rue. Au milieu de la cité, tu trouveras un antique et vaste palais de marbre. Tu
entreras par un portail magnifique et tu iras jusqu’à une salle immense. À chacune
des fenêtres de cette salle, tu remarqueras un jongleur vêtu de riches atours, ayant
devant lui un cierge ardent. Ils jouent sur divers instruments des mélodies
très douces et très belles, et quand ils te verront approcher, ils te feront de
grands saluts. Tu répondras alors : « Que Dieu vous maudisse ! »
N’oublie pas cela. Et si tu tiens à la vie, n’entre pas dans la chambre du fond.
Je t’en ai assez dit. Monte sur ton cheval et que Notre Seigneur te protège ! »
Ainsi parla Lampart, et il pleurait toujours tandis qu’Hélie se pâmait, que le
nain se lamentait et que l’écuyer menait grand deuil. « Dieu vous garde, vous
aussi ! » dit le Bel Inconnu. Il sauta sur son cheval et partit vers
la Gaste Cité.
    Il passa le torrent sur le pont qui était abaissé. Une porte
était percée dans la muraille qui fermait la cité sur une longueur de cinq
lieues. Les fossés étaient profonds, les murs bons et beaux, faits de pierres
carrées, peintes de toutes couleurs, vertes, jaunes, grises, et fort bien
taillées. Plus loin, il y avait une tour très haute. Le Bel Inconnu se signa, franchit
la porte et entra dans la ville déserte. Il alla par la grande rue, comme le
lui avait recommandé Lampart, regardant les pans de murs écroulés, les piliers
et les fenêtres de marbre tombés à terre. Il arriva bientôt dans le palais et
vit les jongleurs aux fenêtres de la grande salle. Chacun avait près de lui un
cierge allumé, et chacun un instrument de musique différent. On entendait de
douces musiques, et le Bel Inconnu fut bien près de succomber au charme
langoureux de ces mélodies. Mais, quand ils le virent avancer dans la salle, les
musiciens

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