Les chevaliers de la table ronde
allons de ce pas à la
cour du roi Arthur, ainsi que nous l’avons promis. Nous sommes prisonniers sur
parole d’un vaillant chevalier que nous avons rencontré et qui allait, paraît-il,
délivrer une jeune fille d’un grand embarras. Il se nomme le Bel Inconnu. Nous
n’en savons pas plus sur lui, mais il nous a vaincus en bataille. Nous ne
sommes pas de ce pays. Nous nous sommes rencontrés hier en chemin tous les
quatre. Mais toi, qui suis la même route que nous, qui es-tu donc, belle jeune
fille ?
— Apprenez, seigneurs, répondit la reine Gwenn, que je
suis celle qu’allait délivrer le Bel Inconnu. Par sa grande prouesse, et après
bien des aventures périlleuses, il m’a arrachée aux mains de l’enchanteur
maudit qui me retenait sous la forme d’une hideuse guivre. Mais, puisque vous
ignorez son nom, sachez qu’il est Guiglain, fils du roi Gwyddno Garanhir, qu’il
sera bientôt mon époux et régnera sur le Pays de Galles. Quant à moi, je me
rends à la cour du roi Arthur pour lui témoigner ma grande reconnaissance de m’avoir
envoyé un tel chevalier pour me tirer d’affaire. Et puisque vous me paraissez
de preux chevaliers, nous voyagerons ensemble. »
Ainsi firent-ils. Mais, peu avant de parvenir en la cité de
Kaerlion sur Wysg, où se trouvait le roi Arthur, ils rencontrèrent une jeune
fille, somptueusement habillée, et qui était recouverte d’un grand manteau noir.
Et comme la reine Gwenn lui demandait qui elle était, elle répondit qu’elle n’avait
aucune raison de dire son nom et qu’elle allait à la cour du roi Arthur obtenir
un don qu’elle espérait de toute son âme. La reine n’insista pas, et la jeune
fille au manteau noir les accompagna dans la dernière partie de leur voyage [127] .
11
La Lance et le Coup douloureux
Le roi Arthur reçut la reine Gwenn avec tous les égards qui
lui étaient dus. Il écouta attentivement le récit qu’elle lui fit des exploits
de celui qu’on connaissait seulement comme étant le Bel Inconnu, et qui était
en fait le fils d’un de ses plus nobles barons. Et quand la dame eut pris congé
du roi, la jeune fille au manteau noir prit la parole. Il y avait, autour d’Arthur,
la reine Guenièvre, Gauvain, fils du roi Loth d’Orcanie, Yder, fils du roi Nudd,
Kaï et Bedwyr, qui ne quittaient jamais le roi, Yvain, fils du roi Uryen. Merlin
était également là, mais il se tenait à l’écart, dans un coin de la salle, pour
mieux observer ce qui se passait.
La jeune fille s’avança vers Arthur et enleva son manteau
noir. « Roi, dit-elle, regarde cette épée nouée à ma taille. Apprends que
je ne peux ni la tirer de son fourreau ni la détacher de moi. C’est à cause d’un
sortilège qui pèse sur moi et qui me fait endurer bien des peines. Et je sais
que seul celui qui est le meilleur chevalier du royaume, le plus loyal, le plus
pur de toute perfidie, de tout esprit de fausseté et de traîtrise, pourra dénouer
les attaches de cette épée et l’emporter, me délivrant ainsi d’un fardeau si
lourd à porter qu’il m’interdit toute joie et tout repos.
— Jeune fille, répondit le roi, tu me surprends
beaucoup ! Il semble bien que cette épée soit facile à détacher. – Seigneur,
il n’en va pas comme tu le penses. Seul un chevalier comme j’ai dit peut venir
à bout de ce sortilège !
— Alors, dit Arthur, en tant que roi, il m’appartient
de tenter le premier cette épreuve ! » Il se leva, s’approcha de la
jeune fille et voulut dénouer les attaches de l’épée, persuadé qu’il s’agissait
d’attaches ordinaires, mais il n’y parvint pas. « Ha ! roi, dit la
jeune fille, il est inutile de déployer tant de force ! Celui qui achèvera
l’aventure n’aura pas besoin de s’obstiner ainsi ! » Le roi alla se
rasseoir en disant à ses compagnons : « Cette aventure ne m’est pas
destinée. Tentez-la donc à tour de rôle, et que le meilleur en acquière la
gloire que Dieu lui réserve ! » Ils s’y essayèrent tous, mais sans
résultat. On fit venir tous les chevaliers présents à Kaerlion sur Wysg. Ils
tentèrent tous de dénouer les attaches de l’épée, mais aucun ne put parvenir à
ses fins. Un grand désespoir se lisait sur leurs visages. Un seul ne tenta pas
l’épreuve : c’était un obscur chevalier qui venait du Nord. Il avait été
déshérité par le roi de son pays parce qu’il avait tué un des parents du roi. Il
était resté plus de six mois en prison, et
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