Les chevaliers de la table ronde
à dire la messe, et comme la
porte était ouverte, il se prépara à entrer. Mais alors il sentit que quelque
chose l’empêchait d’aller plus avant. Pourtant, il n’y avait personne pour lui
interdire l’entrée. Le roi en éprouva un profond chagrin. Il vit une statue
représentant le Christ et il s’inclina. Il regarda du côté de l’autel : l’ermite
disait le Confiteor , et, à sa droite, Arthur
aperçut un enfant d’une extraordinaire beauté : il était vêtu d’une aube
et portait une couronne d’or chargée de pierres précieuses qui répandaient une
vive clarté. À gauche se tenait une femme si belle que nulle autre femme n’aurait
pu lui être comparée. Quand le prêtre fut monté à l’autel, la femme prit l’enfant
par la main et alla s’asseoir à la droite de l’autel, sur un siège
magnifiquement orné. Elle plaça l’enfant sur ses genoux et l’embrassa avec
beaucoup de tendresse.
Puis elle prononça ces paroles qui intriguèrent profondément
Arthur : « Seigneur, tu es mon père, mon fils, mon époux, mon sauveur
et le sauveur du monde. » Au-dessus de l’autel, il y avait un beau vitrail :
tout à coup, le roi, en relevant la tête, vit une flamme traverser la verrière,
plus claire qu’un rayon de soleil, qui descendit sur l’autel. Le roi était émerveillé
de ce qu’il voyait et entendait. Après la lecture du saint Évangile, la femme
prit l’enfant et le remit aux mains du prêtre. Arthur s’agenouilla et se mit à
prier, et quand il regarda de nouveau en face de lui, il lui sembla que l’ermite
tenait entre ses mains un homme dont le côté, les poignets et les chevilles
étaient ensanglantés, et qui portait une couronne d’épines : c’était
vraiment un homme en chair et en os [26] . Le roi le contempla
longuement, mais ne sut pas ce qu’il advenait de lui, et il en éprouva une
telle compassion que les larmes lui vinrent aux yeux. Pourtant, lorsqu’il jeta
son regard de nouveau vers l’autel, s’attendant à voir cette même figure d’homme,
il s’aperçut qu’elle avait repris l’apparence de l’enfant qu’il avait vu
auparavant. Il entendit alors prononcer les paroles Ite
missa est . L’enfant prit sa mère par la main et ils disparurent hors de
la chapelle, et la flamme sembla remonter et traverser le vitrail dans l’autre
sens. Le prêtre quitta alors les habits qu’il avait portés pour célébrer la
messe et se dirigea vers le roi qui était toujours à l’extérieur de la chapelle.
« Seigneur, dit-il, tu peux entrer maintenant. C’eût été un grand bonheur
pour toi si tu avais été digne d’y pénétrer dès le commencement. »
Arthur passa alors la porte de la chapelle sans aucune difficulté.
« Seigneur, reprit l’ermite, je te connais bien, comme je connaissais bien
ton père, le roi Uther. Et je peux te dire que si tu n’as pas pu entrer dans
cette chapelle au moment de la messe, c’est à cause d’une faute que tu as
commise. Pourtant, tu es certainement l’homme le plus apte à assumer la mission
dont Dieu t’a chargé. » Le roi répondit que c’était pour expier son péché
qu’il était venu en cet endroit. « Que Dieu te le permette, dit l’ermite. Mais
tout ce que je peux faire pour toi, c’est de te le souhaiter, et de te
recommander à Dieu. » Et sur ces mots, l’ermite s’éloigna sans que le roi
pût savoir où il était allé.
Après s’être recueilli dans la chapelle, Arthur retourna
vers son cheval. Il se remit en selle, pendit son bouclier à son cou et prit sa
lance à la main. Il fit demi-tour, se dirigeant vers la barrière ; mais il
n’avait pas franchi la distance que parcourt une flèche qu’il aperçut un
chevalier qui se précipitait vers lui, monté sur un grand cheval noir, portant
une lance et un bouclier de même couleur. La lance, qui était épaisse à sa
pointe, semblait brûler d’un feu terrifiant, et la flamme descendait jusqu’au
poing du chevalier [27] . Celui-ci pointa son arme
pour en frapper le roi, mais Arthur l’évita, et il le dépassa. Faisant
demi-tour, il le chargea de nouveau. Arthur se mit en garde, éperonna son cheval
de toutes ses forces et frappa son adversaire. Mais celui-ci le frappa
également, et le choc fut si violent que les lances plièrent sans se rompre et
que les deux hommes se trouvèrent déséquilibrés et quittèrent leurs étriers. Leurs
yeux étincelaient, et le roi sentait qu’il perdait du sang par la bouche et par
le
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