Les chevaliers de la table ronde
Gwendydd, de
Taliesin et de Blaise. « Je ne reviendrai plus ici, avait-il dit. Mais ne
soyez pas tristes, car je serai toujours présent dans vos mémoires. Il me faut
aller vers le roi Arthur, car rien n’est encore fait de ce qui doit être
accompli. » Alors, sans se retourner, il s’éloigna sur le chemin et
disparut dans les profondeurs de la forêt.
Lorsqu’il rejoignit la cour d’Arthur, qui se trouvait à
Kaerlion sur Wysg, beaucoup de gens l’y accueillirent avec joie, car ils
espéraient beaucoup de ses conseils et de ses connaissances. Arthur le prit à
part et lui dit : « Merlin, je suis très ennuyé. J’ai couché avec de
nombreuses femmes jusqu’à ce jour, mais aucune d’elles n’a vraiment fait vibrer
mon cœur, et je n’ai jamais pensé en faire une reine. Or, mes barons n’arrêtent
pas de me faire des reproches chaque jour parce que je ne me marie pas. Ils
disent qu’il n’y a point de bon roi sans une bonne reine. Que me conseilles-tu ?
Je ne saurais en effet prendre une décision de cet ordre sans avoir ton avis, toi
qui as justement marié ma mère et le roi Uther. Je m’en tiendrai à ce que tu me
diras, exactement comme le faisait mon père.
— Tes barons ont raison, seigneur roi, répondit Merlin,
car il n’y a pas de bon roi sans une bonne reine, et tu es vraiment en âge de
te marier. Mais dis-moi sans mentir : y a-t-il une femme qui pourrait te
plaire plus qu’une autre ? N’oublie pas qu’un homme de ton rang ne peut
pas épouser une femme indigne d’être reine. Il faut qu’elle soit belle, avenante,
intelligente et d’une famille irréprochable. » Le roi hésita un instant, puis
il dit : « Oui, Merlin, j’en connais une qui est de très bonne famille,
qui me plaît beaucoup et que je sens digne d’être reine. Et je t’assure que si
je ne l’obtiens pas, je ne me marierai jamais !
— Par Dieu ! s’écria Merlin, faut-il que tu l’aimes
pour en parler sur ce ton ! Tu me rappelles ton père, le roi Uther, lorsqu’il
se mourait d’amour pour ta mère ! Dis-moi donc qui elle est, et je m’engage
à aller la demander de ta part, pourvu que tu me fournisses une bonne escorte, car
on ne peut demander une jeune fille en mariage que lorsqu’on y met certaines
formes !
— Eh bien, reprit Arthur, puisque tu acceptes cette
mission, je peux te révéler qui est cette jeune fille à laquelle je pense déjà
depuis longtemps : il s’agit de Guenièvre, la fille du roi Léodagan de
Carmélide, celui qui est le dépositaire de cette Table Ronde que tu as établie
avec mon père, le roi Uther, et qui a accueilli à sa cour ce qui reste des
compagnons qui avaient été admis à cette Table. Guenièvre n’a pas à rougir de
ses origines, bien au contraire, et c’est, je pense, à l’heure actuelle, la
plus belle et la plus renommée de toutes les jeunes filles du royaume. Voilà
pourquoi je la désire pour épouse, et je te le répète, Merlin : si je ne l’ai
pas, je ne me marierai jamais.
— Certes, dit Merlin, ton choix est irréprochable. Tu
as raison pour ce qui est de la beauté et de la renommée de Guenièvre. C’est
actuellement la plus belle femme que je connaisse dans tout le royaume, et il
devient indispensable de renouveler la Table Ronde dont son père est, pour le
moment, le dépositaire. Cependant, roi Arthur, si tu m’en croyais, tu en
prendrais une autre. Il se pourrait en effet que la très grande beauté de Guenièvre
soit une cause de désordre dans ce royaume. Toutefois, je sais que cette même
beauté te permettra, un jour, de retrouver une terre que tu croiras avoir
entièrement perdue. » Merlin disait tout cela parce qu’il avait la vision
de l’avenir, mais il ne pouvait en révéler davantage, et le roi Arthur ne
pouvait en comprendre ni le sens ni la portée [57] . Cependant, Merlin poursuivit
ainsi : « Il en sera donc ainsi, puisque Guenièvre te plaît tant. Il
ne te reste plus qu’à me fournir une escorte, et j’irai la chercher en
Carmélide. »
Le roi l’assura qu’il lui donnerait une escorte aussi nombreuse
qu’il pouvait le souhaiter. Il choisit donc les meilleurs chevaliers de sa cour
et confia à Merlin des écuyers et des hommes d’armes en grand nombre. Merlin
partit aussitôt avec son escorte et, faisant route aussi bien par terre que par
mer [58] , finit par arriver dans
les domaines du roi Léodagan. Il fut accueilli avec beaucoup de joie par le roi
et lui demanda donc la main
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