Les chevaliers de la table ronde
aventures du Saint-Graal ! – Certes, répondit Merlin, mais
celui qui annonce n’est pas toujours celui qui termine. Souviens-toi, roi Arthur,
de Moïse qui conduisit les Hébreux à travers le désert vers la Terre Promise :
jamais Moïse n’a pénétré dans ce pays qu’il a tant annoncé à son peuple. Pour
ma part, j’aurais été très heureux de voir le jour où tout ce que je révèle
sera réalisé, car rien n’a égalé ou n’égalera la joie qui régnera alors dans
cette cour. Mais sache aussi, roi Arthur, qu’après ce grand jour que tu auras
le bonheur de connaître, tu ne vivras pas longtemps, car le grand dragon que tu
as vu dans ton rêve causera ta perte. »
Après cela, Merlin s’adressa à ceux qui avaient fait partie
des premiers compagnons de la Table Ronde, et qu’il avait ramenés de Carmélide.
« Seigneurs, leur dit-il, voici ceux que je vous ai choisis pour frères. Que
Notre Seigneur fasse régner entre vous la paix et la concorde comme il le fit
pour ses apôtres ! » Il leur demanda alors de s’embrasser les uns les
autres, puis il appela les évêques et les archevêques du royaume : « Seigneurs,
leur dit-il, il faut que vous bénissiez les sièges où ces hommes vont s’asseoir,
car de nombreux chevaliers dont la vie sera exemplaire et glorieuse aux yeux de
Dieu comme à ceux des peuples de la terre y prendront place pendant de longues
années. Il est donc juste que vous bénissiez ce lieu, et Notre Seigneur, s’il
lui plaît, le sanctifiera par sa grâce et sa bonté. »
Il fit asseoir les compagnons autour de la Table, chacun à
sa place. Alors les évêques et les archevêques dirent les prières qui
convenaient, bénirent l’assistance et le lieu où désormais serait conservée la
Table Ronde, et chantèrent une hymne à la gloire de Dieu. Quand ils eurent
terminé, Merlin fit lever les compagnons et leur dit : « Seigneurs, il
vous faut maintenant faire l’hommage au roi Arthur, qui est votre compagnon à
cette Table, mais qui est aussi votre seigneur légitime. Ce sera ensuite à lui
de jurer, sur les saintes reliques, de vous assurer de sa protection : car
tel est le devoir d’un souverain. »
Tous les compagnons assurèrent Merlin que leur intention à
tous était bien d’échanger avec le roi Arthur un serment de fidélité et de
fraternité qui les liait autant les uns avec les autres que leur compagnie avec
le roi, dans l’honneur et le respect des coutumes en usage dans le royaume de
Bretagne et pour la plus grande gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ. L’un
après l’autre, ils firent leur hommage au roi ; puis Arthur jura
solennellement qu’il n’abandonnerait jamais un de ses compagnons de la Table
Ronde dans le danger ou la souffrance, et qu’il consacrerait sa vie à maintenir
l’harmonie et la justice entre tous ceux et toutes celles qui relevaient de son
autorité. Et pendant que se déroulait cette cérémonie, Merlin fit le tour de la
Table Ronde. Il s’aperçut alors que, sur tous les sièges qui entouraient la
Table, tous sauf deux, se lisaient, de façon inexplicable, les noms des chevaliers
qui avaient été désignés pour y prendre place [68] .
« Seigneurs, dit Merlin aux barons, en leur montrant
les inscriptions, voici la preuve que Notre Seigneur veut que les compagnons
soient placés comme nous l’avons établi, puisqu’il a inscrit sur chaque siège
le nom de celui qui doit l’occuper. Bénie soit donc l’heure qui a vu naître
cette entreprise, car ce miracle ne peut rien présager d’autre que du bien ! »
Et quand les gens de la salle apprirent ce qui s’était produit, ils se précipitèrent
vers les sièges pour voir si c’était bien vrai. Quand ils constatèrent la
réalité du fait, ils ne purent qu’exprimer leur enthousiasme et leur joie
profonde, plus que jamais persuadés de la grandeur de la mission qui leur était
ainsi confiée et dont Merlin avait été le découvreur.
Tous les sages s’accordèrent sur le caractère exceptionnel
de l’événement et déclarèrent qu’un tel prodige n’avait pu se produire que par
la volonté expresse de Notre Seigneur. Le roi, cependant, restait tout songeur.
Il finit par dire à Merlin : « Il me semble que tu n’as pas achevé
ton œuvre. Je ne parle pas du Siège Périlleux, mais il y a un autre siège qui
ne comporte pas de nom. Comment se fait-il ? – Roi, répondit Merlin, ne te
tourmente pas. Ce siège sera occupé quand le moment
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