Les chevaliers de la table ronde
distractions de la musique et tu
seras traité comme un prince royal, futur héritier d’un trône, tant que tu
seras ici. Quand je partagerai mes dons entre mes hôtes et tous les gens qui
viennent de loin, c’est par toi que je commencerai, dans cette cour, je te l’assure. »
Mais Kilourh ne prit pas la peine de s’asseoir. Il regarda fièrement tous ceux
qui se trouvaient là et dit : « Je ne suis pas venu ici pour
gaspiller de la nourriture et des boissons. Si j’obtiens le don que je désire, je
saurai le reconnaître et le faire savoir. Mais si je ne le reçois pas, je
porterai ton déshonneur aussi loin qu’est allée ta renommée, aux quatre
extrémités du monde habité ! – Puisque tu ne veux pas séjourner ici, dit
alors Arthur, tu auras le don qu’indiqueront ta tête et ta langue, aussi loin
que sèche le vent, aussi loin que mouille la pluie, aussi loin que tourne le soleil,
aussi loin que se répand la mer, aussi loin que s’étend la terre ! Tu
auras ce don, à l’exception de mon épée Excalibur, de mon bouclier Prytwen, de
mon épouse Guenièvre, de mon navire, de ma lance et de mon couteau. J’en prends
Dieu à témoin, ce don, je te l’accorde avec plaisir ! Dis-moi maintenant
ce que tu veux [99] . »
Kilourh dit : « Je veux que tu mettes en ordre ma
chevelure. – Fort bien », répondit Arthur. Il se fit apporter un peigne d’or,
des ciseaux aux anneaux d’argent, et il lui coiffa la chevelure. Cela étant
fait, Arthur dit : « Je sens que mon cœur s’épanouit vis-à-vis de toi
et je sais que tu es de mon sang. Dis-moi donc qui tu es ? – Volontiers, seigneur.
Je suis Kilourh, fils de Kiliz, fils du prince Kelyddon, et je suis ton cousin
par ma mère Goleuddydd. – C’est vrai, dit Arthur. Tu es réellement mon cousin. Fais-moi
connaître ce que tu veux et tu l’auras ! – Je demande, dit Kilourh, que tu
me fasses obtenir Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr, et je la réclame
également à tous tes compagnons ! »
Il se fit un grand silence dans la salle, puis Arthur prit
la parole : « Je n’ai jamais rien entendu au sujet de cette jeune fille,
dit-il, ni même au sujet de ses parents. Mais cela ne fait rien : je vais
envoyer des messagers à sa recherche. Donne-moi seulement un peu de temps. – Volontiers,
seigneur », dit Kilourh. Arthur envoya alors des messagers dans toutes les
directions, dans les limites de son royaume, à la recherche d’une jeune fille
qui se nommait Olwen et dont le père était Yspaddaden Penkawr. Pendant ce temps,
Kilourh demeura à la cour d’Arthur, dans la forteresse de Carduel. Enfin, les
messagers revinrent, mais aucun d’eux n’avait appris quoi que ce fût au sujet
de la jeune fille.
« Chacun a obtenu son don, dit alors Kilourh avec
colère, mais moi, je n’ai rien eu de ce que j’ai demandé. Je m’en irai donc de
cette cour et j’emporterai ton honneur avec moi ! – Prince ! s’écria
Kaï, c’est trop de propos injustes et blessants pour Arthur ! Viens avec
nous et, avant que tu reconnaisses toi-même que la jeune fille dont tu parles
ne se trouve nulle part au monde, ou que nous ne l’ayons point trouvée, nous ne
nous séparerons pas de toi. » Après avoir prononcé ces paroles, Kaï se
leva.
Kaï avait cette vigueur caractéristique qu’il pouvait
respirer neuf nuits et neuf jours sous la surface d’un lac ou d’une rivière. Il
pouvait demeurer neuf jours et neuf nuits sans dormir, quitte à dormir toute
une lunaison par la suite. Un coup d’épée de Kaï, aucun médecin ne pouvait le
guérir, sauf s’il apportait un peu d’eau puisée au Lac des Herbes qui se
trouvait en Irlande. Quand il plaisait à Kaï, il pouvait devenir aussi grand
que l’arbre le plus élevé de la forêt : mais il ne le pouvait que s’il n’avait
pas peur. Or Kaï, chaque fois qu’il se trouvait dans une situation délicate, ne
pouvait s’empêcher d’éprouver de la crainte. Il avait pourtant un autre
privilège, que maints de ses compagnons lui enviaient : quand la pluie
tombait dru, tout ce qu’il tenait à la main était sec au-dessus et au-dessous, à
la distance d’une palme, si grande était sa chaleur naturelle. Et quand, certaines
nuits, ils étaient obligés de dormir dans la forêt, les compagnons de Kaï se
blottissaient contre lui pour ne pas sentir le froid.
Arthur appela Bedwyr. Celui-ci n’avait jamais hésité à prendre
part à une mission pour laquelle partait Kaï,
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