Les chevaliers du royaume
qu’un cri dans le ciel attira son attention. Elle leva les yeux et vit son faucon. Il volait au-dessus d’eux, indifférent aux flèches que les Maraykhât tiraient parfois sur lui. Il se dirigeait en direction du temple où Morgennes était allé.
— Par ici ! dit-elle en montrant la bâtisse dont les dômes sortaient à demi de la brume.
— Mais Taqi ! répliqua Simon. Et la Vraie Croix ! On ne peut pas les laisser !
— Je m’en occupe, dit Cassiopée. Toi, va voir Morgennes ! Vite !
Simon eut un bref instant d’hésitation, puis déclara :
— Non. Je reste avec toi !
— Taqi ! Taqi ! hurla alors Cassiopée.
Simon s’y mit lui aussi, hurlant à s’en briser la voix :
— Taqi !
Mais seul leur répondaient le fracas des armes, les corps brisés, les clameurs de la bataille. Çà et là, des taches brillantes dissipaient un instant le brouillard du combat, semant comme des éclairs au milieu de la nuit. Cassiopée et Simon se dirigeaient vers ces flaques de lumière, mais bien souvent ce n’était que les feux métalliques d’un harnachement.
L’énorme éléphant avait encore gagné du terrain, et ils sentaient dans leur dos la chaleur de son haleine, pleine de miasmes fétides. Simon tenta d’accélérer. Malheureusement, à deux sur une gazelle, ils n’allaient pas assez vite. Comme l’éléphant blanc menaçait de les rattraper, Simon eut une idée : il porta son cor à sa bouche, et souffla… Le mugissement déchira la brume et attira sur eux toutes sortes de formes, tels des insectes attirés par une flamme. D’abord des Moniales sur des gazelles, qui semblaient fuir un ennemi – mais en fait tentaient de se regrouper –, puis un emmêlement d’Amazones et de Maraykhât, qui les dépassa tel un essaim de guêpes furieuses, trop occupés à se battre pour se soucier d’eux.
Cassiopée et Simon furent soudain engloutis par une ombre démesurée, quand une voix venue d’en haut leur cria :
— Montez !
C’était Taqi ! Il avait réussi à s’emparer d’un éléphant, qu’il faisait courir à côté d’eux. Menant la gazelle – qui commençait à s’essouffler – auprès du pachyderme, Simon ordonna à Cassiopée :
— Accroche-toi à son harnais !
Cassiopée se hissa en souplesse du dos de la gazelle à celui de l’éléphant, et dit à Simon :
— À ton tour !
Mais Simon glissa, se raccrocha de justesse aux courroies du howdah et fut traîné quelque temps sur le sol, ses chausses de mailles frôlant la terre. Cassiopée se pencha vers lui, lui tendit la main et l’aida à monter, n’hésitant pas à le prendre sous les aisselles, puis à l’agripper par les fesses pour le faire basculer tête la première dans le howdah.
L’éléphant blanc, qui ne s’était arrêté qu’un instant pour piétiner la gazelle, était maintenant juste derrière eux. Il aurait pu, s’il l’avait voulu, attraper la queue de leur éléphant.
Mais loin de s’en soucier, Taqi eut un sourire et montra à ses amis la croix de Hattin, qu’il avait réussi à récupérer en même temps qu’il s’était emparé de ce pachyderme – au prix d’exploits qu’il leur promit de leur narrer plus tard.
— Allons rejoindre Morgennes ! conclut-il avec un clin d’œil.
Parvenu au pied de l’escalier du temple, leur éléphant défonça les marches déjà abîmées par le temps, ébranla les colonnes, se rua vers la lourde porte, l’enfonça d’un puissant coup de tête, et pénétra sous la voûte de lumière dorée. Un barrissement tonitruant les alerta : l’éléphant blanc, furieux, suivait juste derrière.
Morgennes et Guillaume, qui surgissaient au même instant dans le tunnel, furent un instant déroutés, puis reconnurent leurs amis.
— Taqi ! s’écria Morgennes.
Il se précipita vers lui et le serra chaleureusement dans ses bras. Il fit de même avec Cassiopée, puis, après un court instant d’hésitation de part et d’autre, avec Simon.
— Tu peux la laisser maintenant, dit Morgennes à Simon en lui indiquant la croix qu’il portait dans ses bras. J’ai trouvé la vraie !
— Mais c’est la vraie ! s’indigna Simon.
— Ne perdez pas de temps ! intervint Guillaume. Pressez-vous ! Pressez-vous ! Allons, allons !
Il avait à peine fini sa phrase que le gigantesque éléphant blanc fonça sur un pilier, l’ébranlant. Le petit groupe se hâta vers la galerie qui menait au fleuve souterrain. Quelques flèches
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