Les chevaliers du royaume
aboiement résonna dans la caverne : Babouche ! Elle était suivie de Yahyah, qui portait Rufinus dans ses bras.
— Morgennes ! s’exclama l’enfant. J’ai cru qu’on ne vous retrouverait jamais !
— Et Cassiopée ? demanda Morgennes.
— Elle est avec Simon et Taqi…
Morgennes regarda l’enfant, puis les Moniales.
— Notre reine leur a dit de partir, expliqua l’une d’elles. Mais ils n’en font qu’à leur tête et ne veulent pas quitter le champ de bataille.
— Allons les chercher, dit Morgennes.
Comme la lèpre ou les sarcoptes (ces insectes fouisseurs), les Maraykhât envahirent les galeries et les grottes des Moniales, semant le trouble et la mort dans chaque salle, dans chaque corridor. Les voyant approcher du terre-plein où se tenaient Cassiopée et les Moniales armées de leurs frondes, Simon sauta de selle, laissant à Taqi le soin d’entraîner au loin l’éléphant – ce qu’il fit d’autant mieux que son cheval avait moins à porter.
— Par ici ! cria Simon en faisant de grands gestes. Avec moi !
Cassiopée l’aperçut et sauta à terre, mais des Maraykhât se dirigèrent dans sa direction. Il fallait se hâter ! Avisant une gazelle qui courait sans cavalière, Simon la saisit par la bride, l’enfourcha et la mena vers son amie – que plusieurs Maraykhât pourchassaient, sans chercher cependant à la tuer.
La jeune femme sauta sur la croupe de la gazelle, que Simon talonna de plus belle.
— Vite ! souffla-t-elle. Allons rejoindre Taqi !
Autour d’eux, des flèches sifflèrent sans les toucher. Simon se courba en avant, cherchant à se faire le plus léger possible, tandis que Cassiopée s’accrochait à lui, s’écriant :
— C’est la gazelle de Zénobie ! La reine des Amazones est morte !
Elle avait, en effet, reconnu la selle frangée d’or.
— Raison de plus pour filer !
Mais aux efforts des Maraykhât, qui les poursuivaient à cheval, se joignirent ceux d’un gigantesque éléphant blanc, probablement le mâle dominant. Ce monstre tenait dans sa trompe le corps dégingandé d’une Amazone, dont il se servait pour frapper sur tout ce qui passait à sa portée, la réduisant en une abominable bouillie d’os, de chair et de sang. Enfin, dans son howdah, protégé par des boucliers, Cassiopée vit avec horreur l’homme dont elle avait lacéré le visage à Hattin. Ce même homme qui l’avait violée à plusieurs reprises avec ses camarades.
— Je les tuerai ! s’écria-t-elle.
Malheureusement, son carquois était vide.
Les Maraykhât avaient décoré leur éléphant en l’honneur de l’Islam, et notamment des Batinis. Des amulettes et des grelots étaient piqués dans ses flancs, une grande main était peinte sur son poitrail, et des draps de soie rouge cousus à ses pattes lui faisaient comme des chausses de géant. Les Maraykhât poussèrent de violents éclats de rire, leurs yeux roulant dans leurs orbites. Ils battirent des mains, tapèrent sur la tête de leur éléphant avec un bâton crocheté pour le faire avancer plus vite, l’injurièrent, lui meurtrirent le crâne jusqu’à le lui fendre. Du sang coula sur sa trompe. L’un des Maraykhât enfin, plus fou que ses deux comparses, s’amusa à secouer le howdah en tous sens, menaçant de les faire basculer.
« Leur manière de faire est celle des Assassins », pensa Cassiopée.
Elle retint un frisson. L’image fugitive de Sinan lui avait traversé l’esprit. Elle exécrait cet homme. Non content d’abuser d’elle, il avait essayé de manipuler son esprit. Par chance, elle pensait ne pas avoir été affectée. Mais elle n’avait dû son salut qu’à sa force de caractère et au peu de temps qu’elle était restée en son pouvoir – les Templiers blancs étant venus la chercher plus tôt que prévu. En outre, le Vieux de la Montagne avait reporté ses efforts sur le pauvre Rufinus, qu’elle avait entendu hurler dans les laboratoires d’El Khef à de nombreuses reprises.
— Plus vite ! cria-t-elle à Simon.
— Je fais ce que je peux ! répliqua-t-il en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Par saint Georges ! Regarde le curieux accoutrement de celui-ci !
Tournant la tête, elle se rendit compte que la chemise que portait le manchot n’était autre que celle que Taqi lui avait prêtée avant son départ pour Bagdad : couverte de pentacles et de signes cabalistiques.
— Ils vont me le payer ! lança-t-elle.
C’est alors
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