Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
lecture des Évangiles. Chacun s’appliquait à finir son brouet, piquant un bout de viande de la pointe de son couteau, portant à sa bouche le jaune d’un œuf cuit dans sa coquille, se léchant les doigts – pendant qu’un corneur d’eau remplissait les timbales. Partageant le pain du frère commandeur, Morgennes remarqua plusieurs regards, discrètement tournés dans leur direction. La plupart des frères attablés à côté d’eux étaient des inconnus pour Morgennes, qui les trouvait tous très jeunes. Ils avaient – comme Simon – le teint pâle des nouveaux arrivants.
    — Ces oies blanches ne tarderont pas à brunir, murmura Beaujeu, qui avait deviné ses pensées.
    — Si leurs ailes ne brûlent pas avant, répondit tout bas Morgennes.
    En fait, deux visages, burinés par le temps et les émotions, avaient retenu son attention. Le premier était celui d’un homme d’une quarantaine d’années, qui devait être italien, et fort riche à en juger par ses vêtements. L’autre n’était point un inconnu. Morgennes l’avait croisé, jadis, en compagnie de Balian II d’Ibelin – dont il était le courageux écuyer : Ernoul. On racontait qu’il avait déjà, à deux reprises, refusé d’être adoubé chevalier : « Je n’ai d’autre ambition que de rester l’écuyer de Balian, et de le servir de mon mieux », disait-il.
    À la fin du repas, comme les frères quittaient la salle pour laisser la place à un second service, Alexis de Beaujeu invita Morgennes à venir inspecter les remparts avec lui.
    — Nous avons monté de nouvelles catapultes, capables de lancer des pierres d’une centaine de livres, jusqu’à six arpents. Avec elles, nous écraserons les armées de Saladin si jamais elles osent s’approcher de nos murs.
    D’autres convives se joignirent à eux, parmi lesquels Ernoul et le mystérieux Italien que Morgennes avait repéré. Alexis le lui présenta :
    — Morgennes, voici Tommaso Chefalitione, un Vénitien qui nous a rendu bien des services. C’est lui qui a emmené Josias de Tyr à Palerme puis à Ferrare…
    Morgennes, qui avait beaucoup entendu parler de Josias par Guillaume, en profita pour demander de ses nouvelles :
    — Ma foi, d’après ce que je sais, dit Chefalitione, il doit être en route pour la cour du roi de France. Philippe Auguste s’apprêterait à le recevoir, et je gage qu’il l’écoutera avec attention. Malgré sa jeunesse, ce Josias est très talentueux. Je ne doute pas qu’il réussira là où tant d’autres avant lui ont échoué. S’il parvient à convaincre, d’ici au début de l’année prochaine trois puissantes armées, sans compter celle du roi de Sicile, viendront renforcer les défenses de Jérusalem. La ville sera sauvée.
    — Je crains qu’elles ne doivent la reprendre, si elles n’arrivent pas très vite, précisa Ernoul.
    Ils se tournèrent vers lui. Son visage inquiet était le plus éloquent des discours. Il entrelaça ses mains aux longs doigts, et ajouta, d’une voix étonnamment fluette pour sa corpulence :
    — Saladin a quitté Tyr. Son armée campera bientôt sous les murs de Jérusalem. Nous avons besoin de troupes. Et c’est maintenant qu’il nous les faut, pas dans six mois, ni dans six semaines.
    Il s’était exprimé avec une grande douceur, mais aussi beaucoup de fermeté. Morgennes observa Ernoul : il avait sous les yeux de profonds cernes noirs, qui donnaient du poids à son regard et à ses paroles ; ses cheveux se rehaussaient d’épis – qui ne voulaient pas se coucher et signalaient un caractère anxieux, pressé d’atteindre son but. C’est qu’Ernoul n’avait cessé, depuis le début du mois de septembre, de courir la Terre sainte, cherchant désespérément de l’aide. Mais les Templiers n’étaient pas prêts, et les Hospitaliers se regroupaient, se préparant à partir pour Tyr. Où le marquis de Montferrat tenait vaillamment tête à Saladin – en attendant d’improbables secours.
    — En arrivant à Jérusalem, reprit Ernoul, le comte et moi-même fûmes grandement surpris par le désordre qui régnait dans la ville. Celle-ci était sens dessus dessous, les gens se pressant autant pour s’y réfugier que pour la quitter. Privée de son roi, dépossédée de sa principale relique, Jérusalem était, comme tant de fois dans l’Histoire, à l’agonie. Les Hiérosolymitains virent en Balian le miracle que tous attendaient : un chef envoyé par Dieu, et qui allait les

Weitere Kostenlose Bücher