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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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restait sa dette envers Saladin.
    Ensuite, seulement, il lui faudrait choisir son destin : repartir en France avec Cassiopée et renouer les fils de son passé, ou s’isoler dans un monastère – conformément à l’arrêt du tribunal de pénitence des Hospitaliers. « À moins qu’Alexis de Beaujeu ne me sorte de là », pensa Morgennes.
    Soudain, un homme vêtu de noir s’approcha :
    — Saladin te demande.
    L’homme, dans sa tenue si noire que la lumière des premières étoiles se perdait dans ses plis, n’était autre que Taqi. Il avait changé de vêtements.
    — Te voilà bien habillé, Taqi. Puis-je savoir en quel honneur ?
    — Je repars au combat.
    — Je croyais que Saladin n’attaquait pas.
    — La situation est différente. Et puis, qui a dit que mon oncle mènerait l’assaut ?
    — S’il ne conduit pas l’attaque, qui le fait ?
    — Toi, répondit Taqi.
    Morgennes le regarda, surpris.
    — Suis-moi, reprit Taqi en se dirigeant vers la tente du sultan. L’heure est enfin venue de payer ta dette.

25.
    « Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera. »
    (Matthieu, XVI, 25.)
    — Vous ne me demandez rien d’autre que de vous donner la ville, dit Morgennes.
    — Non, répondit Saladin, je te demande seulement de me ramener mon fils ; et je t’offre aussi une chance de sauver les tiens. Retrouve mon fils et j’épargnerai les Hiérosolymitains. Sinon, je les massacre tous.
    Morgennes considéra gravement le sultan. Celui-ci était assis en tailleur sur un tapis de soie persan et le dévisageait, le regard clair, presque immobile. Sans les deux minces filets de larmes qui irisaient ses joues, Saladin aurait pu être de pierre. Il avait le teint gris, les membres figés, et ne parlait que du bout des lèvres.
    Il avait pris vingt ans.
    En fait, jusqu’à maintenant, c’était le cadi Ibn Abi Asroun qui avait parlé pour lui, ou parfois Abu Shama, son conseiller.
    Saladin, lui, n’avait pu dire un mot. Sur son visage jouait la lumière des bougies, qui se consumaient en silence et diffusaient une douce lueur mordorée. L’air s’emplissait de vapeurs odorantes, s’élevant d’encensoirs en or.
    — Pourriez-vous, je vous prie, me répéter les faits – et me les détailler ?
    Le cadi Ibn Abi Asroun étudia Morgennes – à la recherche certainement de ce qui avait permis à cet homme de survivre à une telle succession de coups du sort. Il scruta le plissement de ses paupières quand il réfléchissait, les rides de son front, la façon dont ses lèvres s’écartaient pour parler ou dont ses joues accompagnaient le sourire, l’affliction.
    — Alors que nous nous apprêtions à festoyer, commença Ibn Abi Asroun, le sultan (la paix soit sur lui) s’inquiéta de l’absence de son fils (la paix sur lui aussi). On ne l’avait plus vu depuis la fin du jour, juste après la prière du couchant. Une escorte envoyée à sa tente revint sans l’avoir trouvé, signalant seulement la présence de deux galettes de froment posées sur son oreiller, et d’un mot – que voici.
    Le cadi se pencha, tendit à Morgennes un fin rouleau de parchemin. Morgennes le déroula, et lut : « Que ton armée se retire de Jérusalem avant la prière d’As Soubh, ou al-Afdal mourra. Que tes hommes ne fassent de mal à aucun des mille mages, ou al-Afdal mourra. » Le message était clair, et se passait de commentaires. La prière d’As Soubh avait lieu à l’aube. Il restait donc peu de temps pour retrouver al-Afdal. Quelques heures tout au plus.
    — Ce n’est pas signé ? demanda Morgennes.
    — Les galettes de froment, posées juste à côté, sont le sceau de celui qui nous l’a envoyé. Mais, avec des revendications pareilles, il aurait pu s’en passer.
    Morgennes regarda Saladin, intrigué.
    — Sohrawardi. Les Assassins… Ils ne peuvent plus s’en prendre à moi, alors ils s’en prennent à mon fils…, soupira Saladin, songeur. Je devrais me réjouir pourtant, reprit-il en s’efforçant de sourire. D’ici peu, al-Afdal rejoindra le paradis. Que peut-il espérer de meilleur ?
    — Vous ne lèverez pas le siège ? demanda Morgennes.
    — Dussé-je y perdre mes trois autres fils, je prendrai Jérusalem. C’est pourquoi ton action n’y changera rien… Tu peux y aller le cœur en paix. La ville tombera, c’est écrit. Même moi je n’y puis rien changer. Quant aux mille mages du Caire, ils seront morts dans la

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