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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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tout faire pour les empêcher d’y pénétrer, répondit Ibelin en serrant les dents. Croyez-moi, je donnerai ma vie pour sauver la ville et ses habitants. Dussé-je être le seul à m’opposer à leurs assauts, j’irai quand même. Dieu le veut !
    Les deux hommes se séparèrent peu avant le départ du navire, à la tombée du soir. Ils ne le savaient pas, mais ils ne se reverraient jamais. Ils auraient pourtant pu être amis.
    Quand La Stella disparut à l’horizon, Balian écrivit à Saladin pour lui demander la permission d’aller rejoindre sa femme et ses deux enfants, et donc de traverser des terres occupées par les Sarrasins. Saladin la lui donna, sous la forme d’un sauf-conduit qu’un messager apporta. Deux jours après le départ de Josias, Balian quitta Tyr pour Jérusalem, en compagnie d’Ernoul et de quelques-uns de ses plus fidèles affidés. Sa femme, Marie Comnène, était ce qu’il avait de plus cher au monde. Leur mariage, bien qu’arrangé, s’était révélé des plus heureux. Être auprès d’elle, en compagnie de leurs enfants, valait plus qu’un château, qu’un domaine, qu’un titre. Rien ne valait Marie, ses yeux, la douceur de ses bras, ses baisers, ses sourires.
    Josias passa les premiers jours de la traversée à prier dans sa cabine. Un matin, cependant, il parut sur le pont du navire, et dit une messe pour les passagers et les hommes d’équipage. Il savait que beaucoup n’en avaient pas entendu depuis longtemps, et voulait les rapprocher de Dieu.
    Ou plutôt, entendait rapprocher Dieu des marins, qui, parce qu’ils avaient été trop longtemps en mer, avaient eu tendance à l’oublier et à s’en croire délivrés. Ce en quoi, pensait Josias, ils n’avaient peut-être pas tout à fait tort, tant il vaut mieux prier Dieu en homme libre et désintéressé, plutôt que dans le besoin. En outre, ces hommes avaient pour habitude d’affronter les tempêtes, non pas en priant, mais en tenant la barre d’une main ferme et en ramenant les voiles au bon moment. Leurs bras, leurs mains, leur connaissance du métier, la sûreté de leurs décisions, étaient leur credo. Ils n’étaient pas joyeux, mais plutôt désabusés, uniquement préoccupés de se remplir des poches et un ventre qu’ils iraient désemplir dans un port et dans des filles de joie. Si Josias voulait prier au milieu d’eux, c’était pour les entendre parler de Dieu, et s’imprégner de leur façon très particulière d’être quand même des chrétiens. Des chrétiens malgré eux ; des chrétiens dont la foi était une posture plutôt qu’un mode de vie, un reste d’habitude plus qu’un choix. Il avait envie de leur dire : « C’est le moment de croire ! »
    Pendant ce temps, la mère de Josias s’efforçait de faire bonne figure. Malgré la douleur de l’exil, elle restait droite et calme. Cette droiture et ce calme séduisirent Chefalitione.
    Chefalitione, à quarante ans passés, était célibataire et n’avait pas d’enfants. On lui avait bien connu quelques femmes – et parfois des passions – mais rien de décisif.
    Or cette femme lui plaisait. Elle avait de longs cheveux, noirs comme les algues, la peau brune d’un rivage, et les yeux verts de la mer. De longues robes blanches formaient autour de son corps une écume qui mettait en valeur ses formes fragiles. Ce n’était plus, bien sûr, une femme toute jeune, une de ces gourgandines après lesquelles on court pour un peu de plaisir. Non, c’était une femme à qui on ne pouvait s’unir que par des liens d’une solidité à toute épreuve.
    Chefalitione se disait : « Je vais lui parler, lui dire mes sentiments. »
    Mais la timidité le retenait. Alors qu’avant tout lui était facile, pour la première fois de sa vie il se sentait en péril. Lui qui aurait pu obtenir de n’importe quelle ribaude enfermée dans ses cales qu’elle lui cède, lui qui matait ses hommes par la seule force du regard, avait peur de déplaire à la mère de Josias. Était-ce parce qu’elle était veuve ? Parce que son fils était archevêque ? Ou tout simplement parce qu’il était amoureux d’elle ? Il passait des nuits entières sur le pont de son navire à observer les lourdes cogues de son convoi et les nefs qui les escortaient. L’équipage murmurait, on tenait sur son passage des propos qui l’eussent jadis mis en fureur. Il ne disait rien. Il n’entendait pas.
    Il réfléchissait. Cette femme, prénommée Fenicia, ne

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