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Les chevaliers du royaume

Les chevaliers du royaume

Titel: Les chevaliers du royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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Jocelin, qui secondait parfois Gauvain – cria aux turcopoles :
    — Coupez les liens des coffres ! Placez-les au centre, et couchez les chameaux autour !
    Il n’avait vu qu’un seul cavalier, mais il savait que Gauvain n’avait pas été tué par lui ; tout comme la patrouille n’avait pas sonné l’alerte ni donné signe de vie depuis qu’elle était partie. Il était temps de se montrer à la hauteur des années d’entraînement qu’ils avaient suivies et de faire preuve de discipline.
    Les quinze archers turcopoles encochèrent une flèche et s’apprêtèrent à tirer. Mais vers où ? Vers quels adversaires ? Il n’y avait personne.
    — Chevaliers ! ordonna Jocelin. En selle !
    Tandis que les archers s’accroupissaient derrière les chameaux, dont les bosses faisaient comme des créneaux, d’autres montèrent avec les coffres des sortes de petites murailles et s’y abritèrent, munis d’un arc et d’une épée courte.
    Quelques Hospitaliers et frères sergents scrutèrent l’horizon, inquiets et attentifs.
    — Donne-moi ton cor ! ordonna Jocelin à l’un des frères.
    Il porta le cor à sa bouche et y souffla de toutes ses forces.
    La patrouille envoyée par le krak l’entendrait-elle ? Le chant lugubre de l’olifant se perdit dans la brume ; puis des formes sombres surgirent autour d’eux, comme d’un drap de soie qu’on déchire.
    Il y en avait plusieurs centaines, pareilles à des taches hideuses et incohérentes ; certaines venaient à pied, à cheval ou à dos de dromadaire ; quelques-unes rampaient comme des serpents, d’autres couraient, bondissaient, sautaient en poussant d’horribles hurlements. Elles convergeaient vers les Hospitaliers, de tous les côtés à la fois. On aurait dit les fantômes des habitants du village revenus pour en déloger les vivants.
    Dans le brouillard, un tambour battit la mesure sur un rythme lent, profondément inquiétant. Jocelin souffla de nouveau dans son cor, donna l’ordre aux archers de tirer, brandit sa lance, et hurla :
    — Dix cavaliers avec moi pour une charge !
    Les cavaliers sautèrent par-dessus les chameaux baraqués, et chargèrent les formes noires.
    — Par saint Georges ! Par saint Michel ! cria Jocelin.
    — Montjoie ! répondirent ses frères.
    Ils fondirent sur leurs assaillants, les bousculèrent, tournèrent bride, jetèrent leur lance brisée, lâchèrent leur bouclier, dégainèrent leur épée et l’abattirent dans la masse tourbillonnante de leurs adversaires. Tranchant, amputant, sectionnant, ils s’ouvrirent un chenal de sang dans cette mer de chairs et de glapissements, acharnés à la traverser de part en part, à la disperser, à la rendre au brouillard dont elle était issue.
    Frère Jocelin se battait comme un beau diable, jamais il n’avait eu affaire à de tels fous furieux. Beaucoup n’étaient armés que d’une simple dague, et pourtant tous attaquaient avec frénésie, frappant et frappant encore les frères déjà tombés, allant jusqu’à se laver dans leur sang et remercier Allah de leur avoir offert ce merveilleux combat. À ceux qui tentaient de le faire tomber de selle, Jocelin donnait de grands coups de pommeau ; à ceux qui cherchaient à poignarder sa monture, il envoyait de puissants coups de pied. Quand ils étaient à terre, son destrier les piétinait ; si par hasard ils fuyaient, Jocelin les pourfendait.
    Il fit si bien qu’il se retrouva de l’autre côté des lignes ennemies ; malheureusement, il était seul.
    Il regarda à sénestre et à dextre, et vit que derrière lui le combat continuait. Ses frères semblaient submergés par les assaillants, si nombreux qu’ils disparaissaient sous leur masse hurlante. Jocelin voulait savoir qui se cachait derrière le heaume du mystérieux cavalier blanc. Il avait hâte d’éprouver sur lui le fil de sa lourde épée, ruisselante de sang. Brandir la bannière de la papauté et s’en prendre à des chrétiens ! Clamer le nom du Christ et attaquer ses fidèles ! S’allier à des Mahométans ! Pire, à des Assassins !
    Jocelin laissa à sa monture quelques instants pour se ressaisir et fouilla du regard les alentours. La piétaille ne l’intéressait pas, ce qu’il voulait, c’était frapper la tête.
    Un mouvement, dans la brume, attira son attention. On aurait dit une assemblée de fantômes montés sur des chevaux. Ils se tenaient immobiles comme des spectres, tache blanche au milieu du brouillard. « Par

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