Les compagnons de la branche rouge
aimé… »
Si bouleversé qu’il fût par cet accueil, Couhoulinn n’oubliait
pas néanmoins qu’il lui fallait combattre les ennemis de Labraid. Aussi
revint-il vers celui-ci pour s’enquérir de la situation.
« Elle tient en peu de mots, répondit Labraid. Dans ce
pays se trouvent trois chefs, aussi durs qu’impitoyables, et qui sont de la
race des Fomoré : ils se souviennent que, jadis, les leurs imposaient
tribut à tous les habitants, qu’ils appartinssent aux tribus de Dana ou fussent
Fils de Milé. Aussi ont-ils projeté de nous assujettir à leur pouvoir et de
nous soumettre à leur tyrannie et, après avoir fait venir de puissantes armées
du pays des Fomoré, s’apprêtent-ils à nous attaquer. Hélas, quel que soit notre
courage, que peuvent nos faibles troupes contre la multitude de guerriers dont
disposent nos oppresseurs ? – Il me semble, dit Couhoulinn, que tu es un
chef aussi redoutable que ces trois-là. Pourquoi crains-tu d’être vaincu ?
– Tu vas le savoir : un interdit m’empêche de combattre en personne un
homme des Fomoré, et ce parce que ma mère nourricière était de leur race. Je
puis seulement mener mes hommes au combat. Comprends-tu, dès lors, mon embarras ?
– Certes, acquiesça Couhoulinn. Aussi mènerai-je tes troupes dans la bataille. Conduis-moi
au-devant d’elles. » Labraid l’emmena donc au lieu où se trouvaient
assemblées ses troupes. Couhoulinn les observa attentivement.
« C’est bien, dit-il à Labraid, pars maintenant et
laisse-moi diriger le combat. »
Labraid se retira, et Couhoulinn demeura seul avec l’armée. Soudain,
un grand corbeau se mit à tournoyer au-dessus des guerriers. Et ceux-ci se
mirent à rire, d’abord, car ils reconnurent en lui Morrigane, venue tout exprès
pour les exciter.
« Cependant, ajoutèrent-ils, comme elle compte empêcher
le contorsionniste d’Émain de mener son combat à bien, chassons-la ! »
Et ils se mirent, là-dessus, à pousser de telles clameurs
que le corbeau féerique s’éloigna, mais sans pouvoir trouver un seul endroit où
se poser. Alors, Couhoulinn fit avancer l’armée et lui fit prendre position
face à celle des Fomoré, et ainsi s’écoula la nuit.
Or, le lendemain matin, de bonne heure, Éochaid Iuil vint se
laver à la source, mais Couhoulinn l’aperçut et, s’approchant, lui lança un
javelot qui le transperça puis, à lui seul, massacra trente hommes de son
escorte. Après quoi, il se porta au-devant de Senach Siabortha, le provoqua et,
au terme d’un rude combat, finit par le tuer. Mais, désireux de venger les
victimes de Couhoulinn, Éogan Inbir rassembla ce qui restait de son armée et
lança une violente attaque si bien groupée que Couhoulinn se retrouva seul
devant des nuées d’ennemis. Cependant, à force de tourner et retourner autour d’eux,
il finit par en abattre trois cents et trancha la tête de leur chef. Mais, alors,
emporté par sa fureur guerrière, il entreprit de massacrer tous ceux qui se
trouvaient sur son passage.
« Attention ! s’écria Loeg. Si nous ne faisons
rien, sa fureur va se retourner contre nous. Qu’on prépare trois cuves d’eau
froide afin de l’y plonger et qu’il y calme son ardeur. »
On s’empressa donc d’apprêter trois cuves. Dans la première
où il se plongea, l’ébullition fut telle et si instantanée, que l’eau s’évapora
entièrement. Dans la seconde, elle atteignit une chaleur si insupportable qu’elle
s’évapora de même. Dans la troisième, elle s’attiédit seulement et Couhoulinn
en ressortit pleinement maître de lui-même [176] . Alors Labraid vint le
prendre et l’emmena vers la maison royale.
Les femmes en étaient sorties pour mieux accueillir
Couhoulinn et le féliciter de sa victoire. Quant à Fand, elle s’avança vers lui
en chantant ces stances :
Un héros majestueux s’avance sur le chemin…
Bien qu’il soit jeune et encore imberbe,
il parcourt rapidement la plaine,
ce soir, après le grand combat.
Il jongle avec cinquante pommes d’or.
Elles rebondissent sur son souffle.
On ne trouverait pas son égal chez les rois,
et il est aussi tendre que rude…
Il y a sur chacune de ses joues
des fossettes rouges comme le sang,
des fossettes vertes, des fossettes bleues,
des fossettes pourpres à la nuance légère…
Il y a sept rayons de lumière dans son œil,
mais il ne se laisse pas aveugler.
L’ornement de son œil noble,
ce sont des cils noirs comme
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