Les compagnons de la branche rouge
quittèrent leur camp. Ils
longèrent les limites entre le Connaught et le Leinster et ravagèrent tout sur
leur passage, brûlant les maisons et pillant les forteresses. Puis ils s’arrêtèrent
et prirent du repos à Druim na nDruagh. Alors, Fachtna Fathach demanda si Éochaid
Feidlech était intervenu au cours de leur expédition.
« Certes, répondirent-ils. Il est venu nous attaquer et
a tué bon nombre des nôtres. À présent, son camp se dresse non loin d’ici. – Envoyons-lui
des messagers, dit Fachtna, le sommer de quitter l’Irlande immédiatement ou de
me livrer bataille. »
Les Ulates trouvèrent bonne la proposition, et ils
envoyèrent trois druides auprès d’Éochaid Feidlech qui campait à Leitir
Saileach, juste au-dessus de Cruachan [41] ;
et quand on vint lui annoncer l’arrivée de ces ambassadeurs et leur désir de le
rencontrer, il ordonna de les conduire jusqu’à sa tente. Or, sitôt qu’ils
furent en sa présence, il leur demanda d’exposer leur requête, et les trois
druides lui enjoignirent de quitter sur-le-champ l’Irlande ou de livrer
bataille à Fachtna Fathach et aux Ulates.
Pareille mise en demeure déchaîna la rage d’Éochaid Feidlech
et il fallut que ses gens le retiennent, pour qu’il ne massacrât pas les trois
druides.
« Sachez, leur dit-il, que je n’ai jamais reculé après
avoir engagé une expédition. Jamais je ne quitterai l’Irlande. Allez dire à
celui qui vous envoie que je le combattrai jusqu’à ce que mort s’ensuive pour
lui ou moi. »
Puis, comme on les interrogeait sur le terrain où Fachtna
Fathach désirait voir se livrer la lutte : « À Leithir Ruidhé, dans
le Corann [42] ,
répondirent-ils. – Quand te serait-il agréable qu’elle eût lieu ? demandèrent-ils
ensuite à Éochaid Feidlech. – Dans trois jours à compter d’aujourd’hui, répondit-il.
Toute mon armée sera présente autour de moi. Et prévenez votre roi que toute ma
race s’est soulevée contre lui et contre tous les Ulates qui lui prêtent leur
assistance. Je n’ai pas de compte à leur rendre, car ils ne sont pas plus
courageux que les hommes d’Irlande qui m’accompagnent. Dites-leur encore qu’il
n’y a pas assez de place dans ce pays pour Fachtna Fathach et pour moi. L’un de
nous deux doit périr dans cette bataille. »
Prenant congé de lui, les trois druides revinrent auprès des
Ulates et du roi suprême, auquel ils rapportèrent ce qu’ils avaient vu et
entendu. Après les avoir écoutés attentivement, Fachtna Fathach avertit les Ulates
d’avoir à se préparer pour un combat mortel. Fergus, fils de Roeg, et tous les
Ulates lui affirmèrent qu’ils étaient prêts à affronter les plus cruels
guerriers qu’il y eût en ce monde.
Au jour dit, les Ulates et les partisans de Fachtna Fathach
se levèrent et partirent à la rencontre de ceux d’Éochaid Feidlech. Les Ulates
s’étaient fait fort d’attaquer le camp d’Éochaid et de n’accorder aucune trêve
à leurs ennemis, nouvelle qui troubla fort et contrista Éochaid. Néanmoins, il
fit rassembler ses troupes, en confia le commandement d’une partie à son fils
Ailill puis, regroupant l’autre, il la rangea en bataille.
Alors, la mêlée s’engagea, féroce ; les traits
pleuvaient de toutes parts sur les boucliers bruns, les fers de lance
lacéraient les chairs, sans répit, sans pitié ni atermoiement, dans un vacarme
indescriptible. D’un côté comme de l’autre tombèrent, ce jour-là, maints
guerriers. Ainsi périt Ailill, fils d’Éochaid Feidlech, au cours d’un corps à
corps inextricable où chacun distribuait de vaillants coups d’épée à tout ce
qui lui faisait face. Et l’on se battait avec tant de fureur, de frénésie, d’opiniâtreté,
que nul ne pouvait plus distinguer ses amis de ses ennemis. De sorte qu’à la
fin des monceaux de cadavres jonchaient la plaine, et qu’il fallut dresser de
grands tertres de pierres qui se voient encore de nos jours.
En voyant son fils mort et sa défaite presque assurée, Éochaid
ressentit une grande douleur et, se persuadant qu’il devait réagir au plus vite,
il prit cent cinquante guerriers très vaillants et marcha sur Fachtna Fathach
pour éprouver sa fureur. Après avoir assigné à chacun sa cible et ordonné de ne
frapper que des coups mortels, ce dont tous s’acquittèrent en se ruant tels des
lions, lui-même assaillit le roi suprême et, comme le chèvrefeuille entoure le
chêne, l’enveloppa si
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