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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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chant :
     
    C’est grande pitié que tu sois née,
    ô Déirdré, fille de Fédelmid !
    Bien que ton visage soit beau et blanc,
    ton destin sera sombre et tragique.
    Ô Déirdré, tu seras cause de destruction,
    de meurtres et de reniements parmi les Ulates,
    et aussi de l’exil de héros valeureux,
    ô Déirdré, fille de Fédelmid…
     
    En entendant ce sinistre chant prophétique, tous les Ulates
s’écrièrent d’une seule voix : « Qu’on tue la fille ! – Non pas,
dit Conor. Je veux qu’on me l’amène dès demain. C’est moi qui assurerai sa
protection et son éducation. Elle sera élevée d’après mes ordres jusqu’à l’âge
de vivre avec moi. »
    Les Ulates n’osèrent le contredire. Elle fut donc élevée
dans une forteresse assez éloignée d’Émain Macha pour qu’aucun homme d’Ulster
ne pût la voir jusqu’au jour où elle dormirait avec Conor. On ne laissa
personne d’autre entrer dans la maison qu’elle habitait que sa nourrice et
Leborcham, la messagère de Conor, qui courait plus vite que le vent, et à
laquelle on ne pouvait s’attaquer car elle possédait de grands pouvoirs de
sorcellerie. [65]
    Pour ce qui est de Sétanta, il grandissait dans la maison de
Finnchoem et d’Amorgen, entouré de la sollicitude de tous les Ulates. Blai
Bliuga lui fournissait sa nourriture. Sencha lui apprenait l’art de parler, et
il jouait sur les genoux de Fergus, fils de Roeg. Dechtiré venait souvent le
voir et lui manifestait beaucoup d’affection, mais jamais elle n’avoua en être
la mère.
    Lorsqu’il eut atteint l’âge de trois ans, l’enfant tomba
malade et, malgré tous les soins qu’on lui prodigua, mourut. Finnchoem et
Dechtiré en furent fort attristées, et tous les Ulates déplorèrent qu’un si bel
enfant, promis à un si bel avenir, eût si prématurément disparu. On chanta sa
lamentation, et on éleva un tertre sur son tombeau.
    Or, en revenant de la lamentation, Dechtiré fut prise d’une
soif intense, et elle demanda qu’on lui servît à boire dans un vase en bronze. On
s’empressa de l’exaucer mais, dans la boisson, se trouvait un petit animal qui
bondit vers la bouche de Dechtiré, et elle eut beau repousser le récipient, l’animal,
comme aspiré par son haleine, se précipita entre ses lèvres avec tant de
prestesse qu’elle l’absorba.
    Et, la nuit suivante, au cours de son sommeil, Dechtiré vit
quelque chose d’extraordinaire : un homme jeune, beau et majestueux, venait
vers elle et lui adressait la parole. Il lui annonça qu’elle était enceinte de
lui et se fit reconnaître pour celui qui l’avait métamorphosée en oiseau pour
la faire venir dans la maison à la petite richesse. C’est là, dans cette maison,
qu’ils avaient dormi ensemble et qu’elle avait donné naissance à l’enfant
Sétanta. Il ajouta que l’enfant qu’elle portait à présent dans son ventre était
celui-là même en l’honneur duquel on avait élevé un tertre le jour précédent. Et,
avant de disparaître, il lui recommanda de nommer à nouveau Sétanta l’enfant
qui naîtrait, et de lui donner pour compagnons de jeux les deux poulains que
les Ulates avaient découverts à l’emplacement de la maison à la petite richesse.
Enfin, il dit qu’il était Lug au Long Bras, fils d’Ethné, des tribus de la
déesse Dana.
    On s’aperçut bientôt que Dechtiré était enceinte. Et les
Ulates murmurèrent grandement à ce sujet, car on savait qu’elle tenait
volontiers compagnie à son frère, le roi Conor, qu’elle conduisait son char
lorsqu’il se rendait à la chasse, et qu’il leur arrivait de dormir ensemble. Aussi,
persuadés qu’il avait en personne engrossé sa sœur, une nuit où il était ivre, le
prièrent-ils, pour éviter tout malentendu, de marier Dechtiré au plus vite.
    Conor chercha donc parmi les Ulates l’homme le plus digne d’épouser
sa sœur, et son choix finit par se fixer sur Sualtam, fils de Roech. Celui-ci
accepta volontiers, et Dechtiré entra dans sa maison. De sorte que, lorsqu’elle
donna naissance à un garçon qu’elle appela Sétanta et qui ressemblait trait
pour trait à l’enfant qui était mort, celui-ci fut élevé par Sualtam, fils de Roech,
dans sa forteresse de la plaine d’Ardee [66] .

CHAPITRE III

Le chien de Mac Dathô
    En ce temps-là régnait, dans la province de Leinster, un roi
illustre nommé Mac Dathô, qui possédait un chien merveilleux. Cruel et arrogant,
capable de garder et de protéger

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