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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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de la
forteresse et vint dans la prairie au-devant de Couhoulinn.
    « Certes, dit-il, les deux hommes qui t’ont affronté
étaient mes frères, mais je les trouve vraiment stupides. – Et pourquoi donc ?
demanda Couhoulinn. – Suis-moi dans le gué et, à l’endroit où ton pied ne
touchera pas le fond de la rivière, je te montrerai pourquoi. – Prends garde, petit
garçon, haleta Ibar. Cet homme-là s’appelle Faindle, et son nom lui vient du
fait qu’il peut parcourir la mer comme une hirondelle ou un lemming. Tous les
meilleurs nageurs de la terre ne peuvent rien contre lui. – Ce n’est pas à moi
qu’il faut conter pareilles sornettes, ô Ibar, fils de Riangabar ! Tu
connais la rivière qui coule dans la prairie d’Émain Macha ? Lorsque le
groupe de jeunes gens l’entoure pour s’exercer à des jeux et que l’eau est trop
impétueuse, j’en porte un sur chacune de mes deux paumes, un autre sur chacune
de mes deux épaules, et je traverse, sous leur poids, sans même mouiller mes
chevilles. »
    Et, de fait, quand ils se rencontrèrent dans les eaux, au
milieu du gué, le petit garçon plaqua ses avant-bras sur Faindle et l’obligea à
s’incliner jusqu’à son immersion totale et, cela fait, il lui assena de face, avec
l’épée de Conor, un coup si puissant qu’il lui sépara la tête des épaules. Et, laissant
le corps dériver au gré des flots, il revint vers le char et y déposa le trophée.
    Puis, suivi d’Ibar, il pénétra dans la forteresse et tous
deux entreprirent de tout saccager sur leur passage. Ils dévastèrent
entièrement la place, et incendièrent si bien les habitations que la hauteur
des bâtiments ne dépassa plus celle des murailles d’enceinte. Enfin, ils
retournèrent vers la montagne de Fuat, avec les têtes des trois fils de Necht.
    En chemin, ils aperçurent une harde de cerfs qui courait
devant eux.
    « Quelles sont donc ces bêtes à l’allure si fébrile, ô
Ibar ? demanda le petit garçon. S’agit-il de cerfs, ou bien d’animaux
domestiques ? – Pour sûr, des cerfs, répondit le cocher. Ils dévalent les
flancs de la montagne de Fuat qui leur sert de refuge et de cache en cas de
danger. – Eh bien, reprit le garçon, presse tes chevaux, que, courant plus vite,
ils nous permettent de capturer quelques-uns de ces animaux. »
    Le cocher aiguillonna donc les chevaux, et ceux-ci se mirent
à courir de toutes leurs jambes sur le chemin en direction du troupeau de cerfs.
Mais, comme leur lourdeur les empêchait de rattraper les cerfs, le petit garçon
sauta du char et, à la course, talonna si bien le troupeau qu’il y fit deux
captifs et s’empressa de les attacher aux bras, aux anneaux et aux courroies du
char.
    Ils poursuivaient là-dessus leur route vers Émain Macha
quand ils aperçurent une volée de cygnes blancs qui venaient vers eux.
    « Quels sont donc ces oiseaux ? demanda Couhoulinn.
Sont-ils sauvages ou domestiques ? – Assurément, lui répondit Ibar, ce
sont des cygnes, un vol de cygnes qui, venu des falaises, des écueils et des
grandes îles de la mer, va paître les grandes plaines et les plateaux d’Irlande.
– Je me demande, dit Couhoulinn, ce qui serait le plus honorable pour nous :
les ramener vivants à Émain Macha, ou les rapporter morts ? Le sais-tu, ô
Ibar ? – Certes, répondit le cocher, il serait plus honorable qu’ils
fussent vivants, car il n’appartient pas à n’importe qui de capturer vivants
des oiseaux sauvages. »
    Le garçon lança alors une petite pierre, et il assomma huit
oiseaux qui tombèrent à terre devant le char.
    « Va les chercher, Ibar, dit-il. – J’ai de bonnes
raisons pour n’y pas aller, s’excusa le cocher. – Comment cela ? s’étonna
le petit garçon. – Eh bien, voici : si je bouge seulement de la place que
j’occupe, les roues de fer du char vont me hacher, car l’allure des chevaux est
trop rapide, trop soutenue, trop vigoureuse. Et si j’essaie d’aller trop près, les
bois des cerfs me perceront, et j’en mourrai. – Tu n’es donc pas un vrai
guerrier, ô Ibar ! s’écria Couhoulinn. Il suffira que je fixe les yeux sur
les chevaux pour qu’ils ne dévient pas de leur chemin. Quant aux cerfs, ma
seule façon de les regarder leur fera courber la tête, de peur et de crainte. Alors,
tu pourras aisément te tenir sur leurs bois. »
    Le cocher sauta donc, s’en fut ramasser les oiseaux et les
ramena sur le char. Le petit garçon les attacha alors aux

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