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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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bras, aux courroies
et aux câbles du char, et ce de manière qu’en se réveillant de leur
endormissement, ils se mirent à voleter tout autour du char. Et c’est dans cet
équipage qu’ils approchèrent d’Émain Macha.
    Conor se trouvait sur les murailles de la forteresse quand
les Ulates distinguèrent, au fond de la plaine, comme un tourbillon de
poussière. Leborcham, la messagère du roi, qui était plus rapide que le vent et
qui avait l’œil plus acéré que celui d’un aigle, scruta l’horizon et dit à ceux
qui l’entouraient :
    « Un chef de char vient vers nous à toute vitesse, et
le spectacle a quelque chose de terrible. Auprès de lui sont accrochées les
têtes de ses ennemis, rouges de sang ; de beaux oiseaux blancs se
débattent au-dessus de sa tête, et des cerfs sauvages, indomptables, courent
liés de chaque côté. Si l’on ne maîtrise très vite ce héros-là, si grande est
sa fureur guerrière que de nombreux guerriers ulates succomberont. – Je sais
qui est ce chef de char, dit Conor. Il s’agit du petit garçon, fils de ma sœur
Dechtiré, à qui j’ai confié mon char et qui a dû aller jusqu’au-delà des
marches du royaume. Il a rougi ses mains du sang de l’ennemi, mais il n’est pas
rassasié de combat et, certes, à moins qu’on ne le maîtrise, nombreux seront
les guerriers d’Émain qui tomberont sous ses coups redoutables. »
    Ils imaginèrent en hâte un plan destiné à calmer la fureur
guerrière de Couhoulinn. Sur le conseil de Cavad, Conor ordonna d’envoyer des
femmes à la rencontre du garçon, trois fois cinquante femmes entièrement nues, sous
la conduite de leur guide Scandlach, afin qu’elles lui montrassent leur nudité
et leur intimité la plus profonde [85] .
Et toutes se hâtèrent alors de sortir sur la prairie, devant la forteresse, et
chacune montra sa nudité et sa profonde intimité.
    À son arrivée devant les murailles d’Émain Macha, le petit
garçon aperçut le groupe des femmes qui venaient vers lui. Mais quand il vit qu’elles
lui montraient leur profonde intimité, il se cacha le visage pour ne pas
regarder. On put alors l’enlever sans peine du char, mais on dut le plonger
dans trois cuves d’eau froide avant d’éteindre sa fureur guerrière, car les
planches et les cercles de la première éclatèrent autour de lui comme coques de
noix ; dans la seconde cuve, l’eau fit encore des bouillons gros comme le
poing ; dans la troisième, enfin, elle devint seulement tiède et, une fois
apaisée l’ardeur du garçon, on le retira de la cuve et on lui passa ses habits [86] .
    Sa taille normale lui revint peu à peu et, telle une roue de
moulin, il arrondit tout son corps, depuis la tête jusqu’aux pieds [87] .
Il avait sept doigts à chacun de ses deux pieds, sept doigts à chacune de ses
deux mains, sept pupilles dans chacun de ses deux yeux de roi et sept pierres
précieuses rayonnantes dans chacune de ses pupilles [88] .
Il avait aussi quatre taches sur chacune de ses deux joues, la première bleue, la
deuxième verte, la troisième pourpre et la quatrième jaune. Il avait, d’une
oreille à l’autre, cinquante mèches blondes, et semblables aux dents d’un
peigne de bouleau ou aux épingles d’or clair qui brillent dans le soleil. Il
portait un manteau vert fermé par une broche d’argent et une chemise tissée d’or
fin. Alors, on le plaça entre les genoux de Conor [89] ,
et le roi lui caressa les cheveux pendant tout le festin [90] .

CHAPITRE V

Les méfaits d’un poète
    En ce temps-là, les poètes étaient en grand honneur auprès
des rois. Dans chaque province, dans chaque tribu, les poètes étaient logés en
la maison du roi ; ils y recevaient force nourriture, force boissons, force
cadeaux. Leur fonction consistait à chanter les louanges du roi et à vanter les
mérites des héros car, aussi habiles à versifier qu’à composer, ils
connaissaient en outre les prouesses accomplies du temps des ancêtres. Et
chaque roi avait à cœur d’accueillir ceux-là mêmes qui venaient de l’étranger, lorsqu’il
s’en présentait : on les entendait lors du festin royal, et on répondait à
tous leurs désirs et besoins.
    Mais, s’ils étaient honorés par tous, grands et petits, ils
étaient également craints et redoutés. Qu’ils ne fussent pas satisfaits de l’accueil
qu’on leur avait réservé, qu’un roi leur eût rien refusé, ils étaient capables
de lancer sur le roi et sur son pays des

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