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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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parvenir ? demanda Couhoulinn.
– Une année, un mois, trois jours et trois nuits. – Très bien, jeunes gens. Maintenant,
voulez-vous me guider vers le Pont des Sauts ? Je serais curieux de savoir
en quoi consiste sa difficulté. »
    On le conduisit donc le long de la rivière jusqu’à un pont
autour duquel étaient rassemblés maints autres jeunes gens, tous des élèves que
Scatach éduquait dans les arts guerriers et les tours d’adresse. Et voici
comment était ce pont : pour peu qu’on sautât dessus, il se rétrécissait
jusqu’à devenir aussi mince qu’un cheveu, aussi dur qu’un clou et aussi
glissant que le fil d’une épée. D’autres fois, lorsque quelqu’un bondissait au-dessus
de lui, il se levait tellement haut qu’on eût dit un mât de navire. Et voilà
pourquoi on l’appelait le Pont des Sauts.
    Couhoulinn regarda plusieurs jeunes gens sauter sur le pont.
Invariablement, ils retombaient à terre, vaincus. Après avoir bien observé la
scène, il sauta lui-même sur le pont, mais celui-ci devint si glissant que, n’y
pouvant tenir, il chut à la renverse.
    Or, Scatach, depuis sa maison, regardait ce qui se passait
près du pont. Sa maison était très vaste : elle avait sept portes énormes,
sept fenêtres entre chaque porte, et sept chambres d’une fenêtre à la suivante.
Trois fois cinquante filles occupaient chacune de ces chambres, toutes vêtues
de manteaux pourpres ou bleus.
    Et Scatach distingua très bien la tentative et l’échec de Couhoulinn.
À ses côtés se tenait sa fille Uatach, belle à ravir, avec de longs doigts
blancs et des sourcils noirs. Quand elle vit Couhoulinn sur le dos, près du
pont, elle lui donna, en l’espace d’un éclair, tout l’amour de son âme et se
jura de l’aimer plus qu’aucun autre homme.
    « Regarde bien ce jeune homme, lui dit sa mère, il en
vaut la peine. Il m’a été dès longtemps prédit qu’un jeune homme, à peine sorti
de l’enfance, viendrait de l’ouest, des terres d’Irlande, et mettrait moins d’une
heure à remporter l’épreuve du Pont des Sauts. Nous saurons vite si c’est
celui-ci… »
    Cependant, Couhoulinn s’était relevé et, après avoir pris
son élan, il sauta de nouveau au-dessus du pont, mais une nouvelle glissade l’étendit
au sol. Les jeunes gens qui l’entouraient poussèrent des cris moqueurs pour
stigmatiser sa folie, puisqu’il tentait l’épreuve du Pont des Sauts sans avoir
reçu les enseignements de Scatach. En s’entendant railler de la sorte, Couhoulinn,
pris de rage, sauta une troisième fois au-dessus du pont en faisant balancer
son corps, comme s’il flottait dans le vent, et, de cette façon, il parvint à
se poser sur le plancher du pont, à la hauteur exactement du pilier central. Et
le pont ne se rétrécit ni ne s’amincit, tel un fil, ni ne leva. Devant un
pareil exploit, l’assistance ne put réprimer des cris d’étonnement et d’admiration.
    « Eh bien, ma fille, dit Scatach, mon pressentiment ne
me trompait pas. Il s’agit bel et bien de celui dont on m’a prédit l’arrivée. Va
à sa rencontre, souhaite-lui la bienvenue, et guide-le à travers la forteresse
jusqu’à la maison des barbiers : il y logera cette nuit. »
    Trop heureuse d’obéir, Uatach alla donc trouver Couhoulinn, l’invita
à pénétrer dans la forteresse, le mena jusqu’à la maison des barbiers et le
pria de s’y installer pour la nuit. Puis elle revint vers sa mère, mûrissant
dans son cœur tout l’amour qu’elle éprouvait pour lui.
    On servit à manger et à boire à Couhoulinn. Mais les
barbiers commencèrent à se divertir aux dépens de sa jeunesse et de ses allures
un peu frustes. Après les avoir un moment laissés parler sans répondre, il ne
put davantage réprimer sa rage et, saisissant ses armes, il entreprit si bien
de les frapper les uns après les autres qu’ils se ruèrent au-dehors en hurlant.
Loin de se calmer, il les poursuivit dans la cour et en massacra quelques-uns, coupa
la tête de ses victimes et alla placer ces sanglants trophées sur la grande
porte de la forteresse, inspirant à tous, par là même, une terreur extrême. Ainsi,
aucun des barbiers n’osa reparaître dans la maison, et Couhoulinn y dormit tout
seul jusqu’au matin. Alors, il se leva, s’en fut à la porte de la maison où
demeurait Scatach et demanda si elle était là. Elle apparut à sa fenêtre.
    « Qu’y a-t-il, mon garçon ? demanda-t-elle. – Je
viens te demander

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