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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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poing fermé, fut
ulcéré par la hargne de son cocher et voulut le frapper. Mais l’homme saisit
son épée et lui en assena un tel coup sur le poignet que la main, tranchée, tomba
sur le sol.
    « Voilà un bien grand malheur, dit Mesgegra. Si tu
ouvres ma main, tu y trouveras ta moitié intacte de noix. »
    Le cocher le fit et, en voyant que le roi disait vrai, il
mesura l’ampleur de ses torts et, retournant son épée contre lui-même, il se la
passa au travers du corps.
    « Misère de ma vie ! s’écria Mesgegra. Non
seulement je suis amputé d’une main, mais me voici privé d’un serviteur fidèle. »
    Après s’être longuement lamenté, il acheva cependant d’atteler,
vaille que vaille, puis, montant sur le char, il aiguillonna les chevaux, et il
traversait le gué quand, venant de l’est, survint Conall Cernach.
    « Es-tu le roi Mesgegra ? demanda Conall. – En
vérité, je le suis, répondit le roi. – Dans ce cas, je vais te demander une
compensation pour la mort de mon frère que tes guerriers ont tué à la grande
porte de Dun Étair. – Et en quoi consiste cette compensation ? – Tu devras
te battre contre moi. – Certes, dit le roi, il serait inconvenant et
déshonorant pour toi d’affronter un homme qui n’a plus qu’une main. – Dans ce
cas, répliqua Conall, je me lierai l’un des bras le long de mon corps et n’utiliserai
contre toi qu’une seule main. »
    Sans plus tarder, il attacha solidement son bras à son corps,
puis le roi et lui se précipitèrent l’un contre l’autre avec tant de fureur que
la rivière fut bientôt rouge du sang qu’ils répandaient tous deux. Mais le jeu
d’épée de Conall finit par l’emporter, et Mesgegra tomba pesamment à terre.
    « Tu es vainqueur, dit-il, et tu as obtenu ta
compensation. Tranche-moi donc la tête et pose-la sur ta propre tête. Ainsi ma
gloire s’ajoutera-t-elle à ta gloire. »
    Ainsi Conall la lui trancha-t-il sur le chemin de Clone, avant
de la déposer sur une pierre, au bord du gué. Or, la tête de Mesgegra s’enfonça
dans la pierre, la fit éclater, et déboula dans la rivière. Conall l’en retira,
la plaça sur sa propre tête, mais elle roula sur son épaule et, à partir de ce
moment, le héros se mit à loucher, disgrâce qui lui valut le sobriquet de
Conall le Louchon [97] .
En effet, parmi les héros et champions d’Ulster, s’en trouvaient trois déparés
par un défaut physique : Couhoulinn était borgne [98] ,
Cuscraid, fils de Conor, bègue, et Conall Cernach louchait. Et, en conséquence,
les femmes d’Ulster se partageaient en trois groupes : celles qui aimaient
Couhoulinn devenaient borgnes quand elles le contemplaient ; celles qui
aimaient Cuscraid devenaient bègues chaque fois qu’elles lui parlaient ; et
celles qui aimaient Conall louchaient en le regardant.
    Sur ces entrefaites, Conall s’en alla seul sur son char, en
direction du nord, tandis que son cocher conduisait le char du roi Mesgegra. Ils
ne tardèrent guère à atteindre Uatach Fine, sur la rivière Liffey, où ils
rencontrèrent une troupe de cinquante femmes. Il s’agissait de Buan, femme de
Mesgegra, et de ses suivantes, qui venaient du sud en suivant les bords de la
rivière.
    « Qui es-tu, ô femme ? demanda Conall. – Je suis la
femme du roi Mesgegra. – Dans ce cas, dit Conall, tu dois m’accompagner. – Comment
cela ? répliqua-t-elle. Qui en a décidé ainsi ? – Mesgegra lui-même, répondit
Conall. – As-tu une preuve de cette assertion ? – Certes, oui. Regarde :
ne reconnais-tu pas son char et ses chevaux ? – Cela ne prouve rien, dit-elle.
Le roi Mesgegra n’est pas avare de cadeaux, et il a distribué aux nobles de son
royaume bien des chars et bien des chevaux qui lui appartenaient. – J’ai aussi
sa tête ! » lui répliqua Conall.
    La femme regarda la tête et ne la reconnut que trop.
    « Hélas ! gémit-elle. Il est perdu pour moi, le
roi généreux qui accomplissait de si beaux exploits. – Eh bien, dit Conall, il
te faut maintenant me suivre. – Accorde-moi un délai pour que je puisse pleurer
mon mari. »
    Elle monta sur une roche et poussa son cri de lamentation, un
cri si puissant qu’on l’entendit jusqu’à Tara, au nord, et même jusqu’au tertre
d’Allen ; après quoi elle se jeta en arrière, et sa tête alla se fracasser
contre une des pierres du gué. Sa tombe se trouve encore au bord du chemin de
Clone, à l’endroit qu’on nomme Coll Buana, et

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