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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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se souvenait des enseignements de
Scatach, interposa un charme si puissant entre sa personne et la lance que
celle-ci se retourna contre Éochaid et traversa le cou de son cheval, qui se
cabra, le jetant à terre. Et, aussitôt, Couhoulinn se rua sur lui, le jeta sur
son épaule et l’emporta dans la forteresse, au grand dam des hommes de Mané. Toutefois,
Ailill et Maeve refusèrent de laisser partir Couhoulinn et Éochaid sans qu’ils
eussent conclu la paix, ce qui n’empêcha pas ce dernier de s’écrier, au moment
de la séparation :
    « Ô Couhoulinn ! puisses-tu n’avoir de repos ni
assis ni couché, tant que tu ne sauras pour quelle cause les trois fils de Doel
l’Oublié quittèrent leur pays ! – Je la saurai donc », répliqua
simplement Couhoulinn.
    Là-dessus, il quitta la forteresse de Cruachan et, en
compagnie de ses deux fidèles, s’en retourna déposer à Émain Macha les têtes
des neuf hommes qu’il avait tués dans le bois de Manach. Et ce furent donc ses
compagnons qui racontèrent aux hôtes de Bricriu les aventures qui leur étaient
arrivées et les exploits qu’il avait accomplis.
    Quant à lui, il était allé s’asseoir à sa place, dans la
maison de la Branche Rouge, et avait commencé à boire quand, tout à coup, il se
sentit mal. Il lui sembla que ses vêtements le brûlaient par tout le corps, que
la maison brûlait tout autour de lui, que le sol brûlait sous ses pieds.
    « Je crois bien, jeunes gens, dit-il à ceux qui l’entouraient,
que je ressens les effets de la malédiction lancée par Éochaid Rond [116] .
Je vais mourir si je sors d’ici sur l’heure. »
    Il se leva donc et, après avoir pris ses armes, gagna la
cour où Loeg et Lugaid le suivirent. Or, à la porte de la forteresse, il se
heurta à un groupe de neuf ouvriers bronziers qui, n’ayant pas reçu leur part
de viande et de bière, car on les avait oubliés, l’apostrophèrent en ces termes :
    « Tout de même ! il serait à propos que l’on vînt
nous apporter à boire et à manger de la part du roi ! – Me prenez-vous
pour un intendant ? » s’écria-t-il avec fureur.
    Et, sans réfléchir davantage, il se précipita sur eux, l’épée
levée, et, en un tournemain, les décapita tous. Après quoi, il s’éloigna vers l’est
et gagna la colline où s’élève aujourd’hui Armagh, mais qui, à l’époque, était
recouverte par une épaisse forêt. Le hasard voulut que s’y trouvâssent, ce
jour-là, des forgerons à qui Conor avait commandé un certain travail. Mais vu
leur isolement, ils s’attendaient à passer la nuit sans boire ni manger. Aussi,
lorsqu’ils virent s’approcher les trois guerriers, ils dirent :
    « Vraiment, il est à propos qu’on pense à nous apporter
notre part de bière et de viande de la part du roi. – Me prenez-vous pour un
intendant ? » s’exclama Couhoulinn, de nouveau en proie à une grande
fureur.
    Et il s’élança sur eux, l’épée à la main, et, en un
tournemain, les décapita tous. Après quoi il s’éloigna, toujours suivi de Loeg
et de Lugaid, et toujours vers l’est, en direction des rivages de la mer, de
sorte qu’il parvint au port de Dundalk.
    Or, le fils du roi d’Écosse venait précisément d’aborder là,
escorté d’une troupe de matelots, avec un grand bateau qui apportait du satin, de
la soie et des cornes à boire pour le roi Conor. Averti de leur arrivée, celui-ci
avait envoyé vers eux des serviteurs qu’on attendait incessamment. Aussi l’équipage,
en voyant s’approcher Couhoulinn, Loeg et Lugaid, crut-il qu’il s’agissait des
envoyés du roi.
    « Vraiment, dirent les matelots, il est à propos que l’on
vienne enfin prendre en charge notre cargaison, car les vagues et les brisants
nous ont grandement éprouvés. – Me prenez-vous pour un intendant ? »
s’emporta Couhoulinn, une fois de plus aveuglé par une fureur meurtrière.
    Et, l’épée brandie, il se précipita sur eux, coupant des
têtes à tort et à travers, les poursuivit jusqu’à leur bord et fit si bien qu’il
parvint enfin devant le fils du roi.
    « Grâce, ô Couhoulinn ! s’écria celui-ci, tout
cela est de notre faute, nous ne t’avions pas reconnu. – Fort bien, répondit
Couhoulinn, mais, dis-moi : sais-tu pour quelle raison les fils de Doel l’Oublié
durent s’expatrier ? – Quoique je l’ignore, dit le fils du roi, je puis
néanmoins t’aider. Je vais te donner mon bateau et t’apprendre un charme

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