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Les compagnons de la branche rouge

Les compagnons de la branche rouge

Titel: Les compagnons de la branche rouge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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prenant le chemin de Dun Da Bend.
    Il n’y eut de la sorte pas un homme qui, vécût-il dans l’endroit
le plus isolé d’Ulster, ne vînt ce soir-là au festin donné par Fintan. Tous
arrivèrent tour à tour, chaque aubergiste avec son épouse, chaque roi avec sa
reine, chaque musicien avec sa compagne, chaque noble avec sa femme. Car la
forteresse de Dun Da Bend contenait assez de maisons confortables, très bien
ornées et de pierre très fine pour les abriter tous. Les logements étaient
splendides, hauts et longs, qu’on avait préparés pour contenir une foule énorme.
Les maisons étaient vastes, les cuisines spacieuses et aussi bien équipées en
vaisselle qu’approvisionnées. La maison des hôtes, immense, avait de larges
portes, et là prirent place les Ulates pour boire et manger. On leur servit à
foison mets et boissons, et chacun en eut plus que sa part.
    Dans la maison destinée à Conor et qu’on avait spécialement
aménagée, musiciens et jongleurs vinrent distraire les convives. On ne leur
prodigua pas seulement nourritures et breuvages, mais également bijoux et objets
précieux, et avec une telle générosité que chacun devait repartir satisfait et
plein de gratitude envers Fintan.
    « Lève-toi, ô mon père Loeg, dit Couhoulinn à son
cocher, et va regarder les étoiles du ciel, je te sais habile à les observer. Aussi
te prierai-je de m’avertir lorsque arrivera la minuit. »
    Loeg sortit donc et observa le ciel. Quand le milieu de la
nuit fut venu, il retourna dans la maison et gagna la place où se tenait
Couhoulinn.
    « C’est le moment, ô beau chien, dit-il. »
    Alors, Couhoulinn s’approcha de Conor et, à voix basse, l’avisa
que l’heure avait sonné de partir pour Dun Dealga. Le roi se leva, prit sa
corne tachetée et brillante et, rien qu’à le voir debout, les Ulates
observèrent un si grand silence qu’on aurait pu entendre la pointe d’une
aiguille toucher le sol. Et ils attendirent patiemment, car s’il était interdit
aux Ulates de parler avant le roi, il était aussi interdit au roi d’ouvrir la
bouche avant ses druides. Alors se leva Cavad.
    « Qu’y a-t-il, ô roi ? demanda-t-il. – Il est
temps, répondit Conor, de partir et de nous rendre au festin de Couhoulinn. »
    Aussitôt, les Ulates abandonnèrent la maison et se
rassemblèrent sur le terre-plein de la forteresse. On alla chercher les chevaux
et les chars, chacun prit sa place et, après que Loeg, cocher de Couhoulinn, eut
fait exécuter un tour d’adresse à ses chevaux, le cortège s’ébranla, quitta la
forteresse de Dun Da Bend à destination de Dun Dealga. Mais chacun des convives
se trouvait déjà si fort sous l’emprise de la boisson qu’il en oubliait la
route et les distances, de sorte que tous s’enfoncèrent dans la nuit sans trop
savoir où ils allaient. Toutes les collines sur lesquelles ils passaient se
trouvaient rasées, en raison de la fougue de leurs montures. Toutes les forêts
qu’ils traversaient se trouvaient bouleversées par le fait que les roues en fer
des chars arrachaient les racines et faisaient choir les arbres. Tous les gués
qu’ils franchissaient se trouvaient asséchés, tant à mont qu’à val, parce que l’eau
qu’avait soulevée leur passage s’était répandue sur les prés d’alentour. Et ils
errèrent ainsi, à une allure folle, à travers les plaines et vallées d’Irlande.
    Cependant, comme ils se trouvaient dans une grande plaine
marécageuse, le roi Conor fit arrêter son char et, d’une voix stridente, ordonna
aux Ulates d’interrompre leur course.
    « Qu’y a-t-il, ô Conor ? demanda le druide Sencha.
– Je ne reconnais pas ce chemin, répondit Conor. Tout ce que je sais, c’est qu’il
ne mène assurément pas de Dun Dealga à Dun Da Bend. – En vérité, s’écria
Bricriu à la Langue empoisonnée, nous nous sommes égarés ! Nous ne sommes
pas du tout dans notre pays, et j’ai l’impression que notre guide lui-même ne
sait même plus où il va ! – Quelqu’un pourrait-il dire où nous nous
trouvons ? demanda Conor. – Qu’en pense Couhoulinn ? insinua Bricriu.
– Je pense que ta méchanceté est plus forte que ton courage, ô Bricriu. Mais, puisque
tu me rends responsable de notre égarement, je suis prêt à partir en éclaireur
pour tâcher de savoir en quel pays nous sommes. »
    Couhoulinn et Loeg quittèrent donc la troupe des Ulates et s’en
allèrent plus au sud, sortirent des marécages et se

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