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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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poitrine. Quand Afra eut terminé, elle lui dit sur un ton hésitant :
    — Jure par Dieu et par tous les saints que tu n’as jamais volé et que tu n’as jamais rien fait de mal. Jure-le !
    — Je le jure ! répondit Afra en levant la main droite. Si je suis là aujourd’hui devant vous, c’est à cause de l’abject bailli qui a abusé de moi, à mon corps défendant, et m’a volé mon innocence.
    La meunière se signa plusieurs fois. Puis elle ajouta :
    — Afra, tu me parais être une fille solide. Tu peux certainement nous donner un coup de main.
    Afra acquiesça en suivant la meunière à l’intérieur de la maison où quatre bambins – le plus jeune devait avoir tout juste deux ans – s’agitaient dans tous les sens. Lorsqu’ils virent l’inconnue, l’aînée, une fillette de douze ans, s’écria :
    — Une bohémienne, une bohémienne ! On n’en veut pas ici !
    — Il ne faut pas leur en vouloir, dit la meunière, je ne cesse de leur répéter qu’il faut se méfier des étrangers. Comme je te l’ai déjà dit, la contrée est pleine de canailles affamées. Ça vole comme des pies et ça fait même du trafic d’enfants.
    — J’ai peur de la sorcière, j’veux pas la voir ! reprit l’aînée.
    Afra tenta d’enjôler les enfants en leur adressant de gentils sourires. Elle voulut caresser la joue de l’aînée, mais la peste la griffa en hurlant :
    — Ne me touche pas, sorcière !
    à grand renfort d’arguments, la mère parvint finalement à rassurer les enfants. Elle entraîna Afra à l’étage dans une grande pièce sombre pour lui montrer le petit coin où elle pouvait s’installer.
    Afra déposa son balluchon. La meunière, toujours aussi perplexe, ne la lâchait pas des yeux.
    — Comment se fait-il qu’une jeune servante comme toi puisse réciter ses prières en latin ? demanda-t-elle toujours interloquée. Ne te serais-tu pas enfuie d’un couvent où l’on apprend ce genre de chose ?
    — Qu’allez-vous donc imaginer là ! répliqua Afra en éludant la question.
    Le ronronnement sourd de la roue, scandé par les chutes régulières de l’eau retombant des pales, emplissait toute la maison. Les premières nuits, Afra ne réussit pas à s’endormir, puis elle s’habitua au bruit et parvint peu à peu à gagner la confiance des enfants. Les valets la traitaient correctement. Tout semblait vouloir rentrer dans l’ordre.
    Mais le malheur s’abattit à nouveau sur elle entre la Sainte-Cécile et la Sainte-Philomène. Un vent glacial charriait de gros nuages noirs dans le ciel. Il y eut d’abord quelques ondées, puis de grosses averses et bientôt ce furent des trombes diluviennes.
    La rivière alimentant la roue du moulin – guère plus large qu’une dizaine d’aunes – sortit de son lit et prit l’allure d’un fleuve impétueux.
    Compte tenu de la gravité de la situation, le meunier décida d’ouvrir les vannes. Il regardait, terrifié, la grande roue s’emballer. Les valets creusèrent à la hâte des fossés pour dériver les masses d’eau sombres.
    Le déluge dura quatre jours et quatre nuits avant que le ciel ne revienne à la raison. Si la pluie avait cessé, les eaux de la rivière montaient toujours et la roue tournait à une vitesse vertigineuse.
    Le meunier se levait la nuit pour graisser les axes avec du suif. Il croyait le pire passé, lorsqu’à l’aube du sixième jour, la catastrophe se produisit.
    On eût dit que la terre se mettait à trembler. La roue se brisa en trois morceaux dans un fracas épouvantable.
    L’eau, que plus rien ne retenait, franchit le muret et envahit le rez-de-chaussée du moulin. Par chance, tous les habitants de la maisonnée se tenaient à cet instant-là au premier étage.
    Les enfants, apeurés, se précipitèrent dans les jupons de leur mère qui marmonnait inlassablement la même prière. Afra eut tellement peur qu’elle se réfugia dans les bras de Lambert, le plus vieux des valets.
    — Il faut que nous sortions d’ici ! cria le meunier en voyant le rez-de-chaussée complètement inondé. L’eau creuse les murs. Le moulin risque de s’effondrer sous peu.
    La meunière joignit les mains au-dessus de sa tête et, d’une voix suppliante, en appela au ciel :
    — Sainte m ère Martha, priez pour nous !
    — Que veux-tu qu’elle fasse pour nous en ce moment ? protesta le meunier et, se tournant vers Afra, il lui ordonna d’une voix autoritaire : occupe-toi des enfants, je vais

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